Le corossol (Annona muricata L.)

  • Publié le 31/03/2013 - Elaboré par GERBAUD Pierre, IMBERT Eric, LE BELLEC F.
  • FruiTrop n°209 , Page 12
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Saveur indescriptiblement… périssable !

Sa saveur indescriptible, mélange subtil entre fraise et ananas avec une note d’agrume, fait du corossol un fruit très apprécié dans de nombreux pays. Malheureusement, il est hautement périssable à température ambiante, car il ne se conserve que quelques jours (4 ou 5 au maximum), ce qui limite considérablement le développement de son commerce. Malgré tout, le corossolier reste l’annonacée la plus cultivée au monde. 

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corossol fruit

Parmi les annonacées cultivées pour leurs fruits, on compte la pomme-cannelle (Annona squamosa), le coeur de boeuf (A. reticulata) et le cherimoya (A. cherimolia) ou encore, pour ses fleurs, l’ylang-ylang (Cananga odorata). Même si le corossolier est originaire d'Amérique tropicale, on le trouve maintenant dans de nombreuses régions du monde où il a été importé : en Afrique, en Inde et dans le sud-est asiatique. Il est aussi très commun dans les îles de la Caraïbe. La production mondiale est cependant concentrée dans quelques pays d’Amérique du Sud comme le Venezuela, le Brésil et la Colombie. Si aucune statistique de production ou de commercialisation récente n’existe pour ces pays, le corossol occupe tout de même une position majeure sur les marchés d’Amérique centrale, de la Caraïbe et du continent asiatique. D’une manière générale, il est consommé à proximité de sa zone de production, sa faible durée de vie après la récolte et l’absence de méthodes appropriées de conditionnement et de transport ne facilitant pas les échanges commerciaux. 

L’arbre, son écologie et sa culture

corossol arbre

Le corossolier peut atteindre 3 à 8 mètres de hauteur. Son port est érigé au départ, devenant globuleux avec l'âge. Les feuilles luisantes et coriaces sont allongées, de couleur vert foncé. Froissées, elles ont une odeur agréable et caractéristique. Les fleurs, en forme de clochettes, apparaissent soit en partie terminale d'un rameau, soit directement sur une branche plus âgée. Le fruit est gros, allongé, hérissé d'épines molles. Son poids, qui peut atteindre 4.5 kg, dépend principalement de la pollinisation, une mauvaise fécondation induisant de petits fruits irréguliers. A maturité, sa peau verte perd de son brillant et prend une teinte grisâtre. Cependant, les fruits de certaines variétés restent complètement verts, même lorsqu'ils sont mûrs.

Le corossolier aime les climats chauds et humides. La qualité du sol lui est indifférente pourvu que celui-ci draine bien. Les densités de plantation sont généralement d'environ 300 arbres par hectare. Une taille de formation est rarement nécessaire. En effet, les arbres adoptent naturellement une bonne forme. Les premières récoltes commencent trois ou quatre ans après la plantation. Elles sont la plupart du temps peu importantes et irrégulières faute d'une bonne pollinisation. Pour pallier ce problème de fécondation, on réalise une pollinisation artificielle. 

En effet, bien qu’hermaphrodites, les fleurs des annonacées ne peuvent s’autoféconder. Elles sont dichogames : le stigmate (partie femelle de la fleur) est réceptif avant la maturité des étamines (partie mâle contenant le pollen). Cette caractéristique florale, combinée à la faible attractivité des fleurs vis-à-vis des insectes, induit bien souvent une très mauvaise pollinisation et, par conséquent, une faible productivité. Les pollinisateurs sont effectivement peu nombreux à s’intéresser à ces fleurs : de petits coléoptères de la famille des Nitidulidae (Carpophilus et Uroporus spp.), des fourmis et des thrips. 

Compte tenu de toutes ces caractéristiques et afin d’améliorer les rendements de ces espèces, différentes actions peuvent être entreprises : 

  • rendre les conditions naturelles de nouaison plus favorables, en augmentant l’humidité relative des parcelles en période trop sèche par une aspersion ;
  • favoriser les pollinisateurs, notamment par une réduction des traitements phytosanitaires ;
  • agir artificiellement sur les fleurs pour augmenter les taux de nouaison. 

S’agissant de cette dernière pratique, différentes expérimentations à travers le monde ont montré leur efficacité. Pratiquement, il s’agit de prélever le pollen des fleurs lorsqu’elles sont au stade mâle et de polliniser, avec ce pollen, les fleurs qui sont au stade femelle. Seuls un pinceau et un petit bocal sont nécessaires. Le pinceau aide à faire tomber le pollen dans le bocal, mais sert aussi à polliniser les fleurs. Badigeonné de pollen, ce pinceau passe entre les pétales de la fleur entrouverte pour atteindre le stigmate. Cette technique, bien maîtrisée, induit des taux de nouaison élevés de l’ordre de 80 à 100 % et permet d’augmenter considérablement les rendements, les fruits étant plus nombreux et plus gros. Dans l’hémisphère Sud, le corossolier fructifie deux fois par an, tout d'abord d'avril à juin, au moment de la période de floraison de la deuxième production, et ensuite d'octobre à décembre. Dans l’hémisphère Nord tropical, il alterne floraisons et fructifications quasiment toute l’année. 

Les problèmes phytosanitaires

cochenille sur corossol

Le corossol est sujet aux attaques de différents ravageurs, dont deux pyrales (Nephopterix beharella et Spatulipalpia pectinatella) pouvant anéantir toute la récolte. Des traitements préventifs à base de Bacillus thuringiensis (bactérie entomopathogène spécifique des lépidoptères) permettent de limiter leur impact. Plusieurs espèces de cochenille, dont notamment la redoutable cochenille de l’hibiscus, peuvent aussi occasionner des dégâts importants, surtout si elles ne sont pas naturellement maîtrisées par leurs auxiliaires. Dans la Caraïbe (en République dominicaine notamment), au Mexique et en Amérique centrale est aussi observé, sur fruits et semences, un borer (Bephratelloides paraguayensis) considéré comme un des ravageurs les plus importants du corossol.

dégât de borer sur corossol

La femelle de cet insecte pond ses œufs sur les jeunes fruits, les larves et pupes se développant ensuite dans les graines. Les adultes creusent alors une galerie pour sortir du fruit. Les fruits piqués sont impropres à la commercialisation. Enfin, l’anthracnose cause des dommages aux fruits en tachant l'épiderme, les rendant ainsi peu présentables.  

Utilisation

La chair du corossol, fibreuse, très juteuse et de saveur douce acide, se prête particulièrement bien à la confection de jus. Celui-ci sert de base à la préparation de boissons fraîches, de sorbets, de sirops ou encore de yaourts. Il est utilisé frais ou après congélation. La pulpe est riche en sucres (18 %, principalement du glucose et du fructose) et contient des quantités non négligeables de fibres (1 %) et de vitamines B1, B2 et C. Les fruits verts peuvent aussi être cuits au four ou frits en rondelles. 

Le corossol aurait de nombreuses vertus médicinales. Son jus serait considéré comme tonique et aurait des propriétés vermifuges. Ses feuilles et ses bourgeons sont calmants et efficaces contre la toux et la fièvre. Un bain relaxant peut être obtenu en jetant une poignée de feuilles fraîches dans l’eau. Aux Antilles, cette préparation est souvent recommandée pour apaiser les bébés. Compte tenu de leur toxicité, les graines et l’écorce ne doivent pas être utilisées en usage interne. Les graines réduites en poudre servent notamment à la fabrication d’un insecticide. Si globalement le corossol a des effets plutôt positifs sur la santé, des recherches récentes menées dans la Caraïbe ont cependant montré un impact négatif. En effet, sa consommation (fruit et/ou feuilles infusées), et notamment l’annonacine qu’il renferme, conduirait potentiellement à une forme atypique de la maladie de Parkinson.

Un petit marché ethnique essentiellement alimenté par les Antilles

Le marché européen du corrosol est extrêmement étroit, à tel point que ce fruit ne figure pas dans le catalogue d’une partie non négligeable des importateurs spécialistes des fruits exotiques ! Le corossol reste un produit orienté vers le marché ethnique. Il est particulièrement apprécié par les populations d'origine antillaise mais également asiatique, ce qui élargit la base potentielle de consommation du produit. Les principales sources d'approvisionnement du marché européen sont les Antilles, mais aussi d'autres origines telles que le Kenya ou le Vietnam par exemple. Les produits d'origine antillaise sont souvent conditionnés dans des cartons de type banane.

colis de corossol

Des emballages de plus petite taille sont également utilisés (4 à 5 kg). Consommé toute l'année, le corossol connaît quelques périodes de pointe, notamment à l'occasion des fêtes de fin d'année et du nouvel an chinois où il participe aux rites de célébration.

De nombreux freins au développement qui profitent aux autres annonacées

Les freins au développement de ce marché sont nombreux. La production antillaise s'avère limitée et majoritairement auto-consommée, laissant peu de volumes pour l'exportation. D’autre part, le produit est difficile à gérer de par sa taille et sa fragilité. Sa physionomie torturée, son poids et sa taille souvent élevés sont contraignants en termes d'emballage et de conditionnement. Le carton de type banane met peu le produit en valeur et augmente les risques de chocs et d'écrasement. Par ailleurs, le corossol mûrit rapidement et ne peut être expédié que par avion, à condition que sa récolte soit effectuée à un stade lui permettant de supporter transport et manutention. 

Son prix de vente élevé est aussi un élément limitant son développement commercial. On estime que les acheteurs se détournent du produit au-delà de 3.50 à 4.00 euros/kg au stade grossiste, alors que le coût du fret aérien est extrêmement élevé vu le poids du produit. Cet élément semble être à la base de la faiblesse des importations provenant du Kenya, fournisseur traditionnel de corossol. A défaut de disponibilité régulière sur les marchés européens, les consommateurs reportent souvent leurs achats sur les annones, produits de substitution plus fréquemment disponibles (Espagne, Portugal, etc.) et moins onéreux (entre 1.80 et 2.50 euros le kilo au stade grossiste en France). Pourtant, il existe semble-t-il un marché potentiel pour ce fruit, mais il conviendrait de surpasser les obstacles mentionnés plus haut pour qu'il se développe.

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