Maladies et ravageurs du bananier

  • Publié le 11/05/2016 - Elaboré par Cirad
  • FruiTrop n°240 , Page 109 à 117
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La maladie de Panama

La maladie de Panama ou Fusariose (Fusarium Wilt en anglais) a été identifiée pour la première fois en 1874 en Australie. Elle se manifeste aujourd’hui dans presque toutes les zones tropicales et subtropicales de production de banane. Elle est due au champignon du sol Fusarium oxysporum sp . cubense (ou FOC).

maladie de panama
maladie de panama

Différentes races ont été identifiées, chacune pouvant provoquer sous certaines conditions (type de sol, climat, intensification de la culture, drainage, etc.) des dégâts vasculaires importants sur différents groupes variétaux de bananiers, les rendant pratiquement improductifs.

La race 1, originaire d’Asie, s’est très largement répandue au travers des mouvements de matériel végétal sous forme de rejets, liés à l’installation des grandes zones de culture de banane d’exportation au début du 20ème siècle. Elle est à l’origine de la disparition progressive dans les années 1940 et 1950 de la production de la variété Gros Michel aux Caraïbes, en Amérique latine, base du commerce international d’alors. La Gros Michel a été remplacée dans les plantations industrielles par un groupe variétal résistant découvert en Asie du Sud-Est, les Cavendish, qui forment l’essentiel du commerce international actuel. Il est à noter que la variété Gros Michel est toujours la référence de consommation de banane dessert dans la grande majorité des pays producteurs africains et latino-américains et représente encore une importante production estimée à environ 6 millions de tonnes par an. Dans les zones où elle est cultivée de manière extensive et en association avec d’autres variétés et d’autres cultures (donc à faible densité), il apparaît que la race 1 n’est pas active. Des expériences menées en Colombie ont montré que dès qu’on intensifie la culture de la Gros Michel (densité supérieure à 1 000 plants/ha), la maladie de Panama prend de l’importance.

bananier gros michel
bananier gros michel
maladie de panama sur petite naine
maladie de panama sur petite naine

La race 2 affecte le sous-groupe des Bluggoe (ABB, banane à cuire).

La race 3 affecte les Heliconia spp. et parfois les Gros Michel.

La race 4, identifiée dès 1931 aux Canaries, atteint sporadiquement et toujours sous certaines conditions environnementales les variétés du groupe Cavendish et cela uniquement dans des zones sub-tropicales (Canaries, Afrique du Sud, Taiwan, Australie) où elle est relativement bien maîtrisée via des techniques culturales adaptées (zones tampon, jachère, etc.).

La race T4 vient de faire son apparition au Mozambique (mais aussi en Jordanie). C’est une forme relativement récente, décrite en 1990. Elle atteint les variétés du groupe Cavendish, mais ne se rencontrait jusqu’à présent que dans les zones tropicales humides asiatiques, notamment Taïwan, Indonésie, Malaisie, Sud Chine, Australie et Philippines. En 2011, FruiTrop publiait l’intégralité (cf. FruiTrop n°191, juillet-août 2011, pages 20 et 21) des recommandations à suivre de très près si l’on souhaite faire une prophylaxie efficace. Un comité ad-hoc de scientifiques, spécialistes de cette maladie, a été constitué afin d’étudier l’origine de son introduction et d’analyser les risques d’extension. Cette nouvelle alarmante a réactivé les réseaux mondiaux de surveillance phytosanitaire, en particulier en Amérique latine.

Tous les spécialistes s’accordent à dire que la principale cause de la dissémination de la maladie est le mouvement de matériel végétal provenant de plantations sensibles et infectées (rejets et souches). A partir d’une zone infectée, la contamination provenant du sol est très lente.

Prévention et lutte

Comme pour de nombreux pathogènes du sol, les moyens de lutte sont limités et consistent essentiellement en une mise en quarantaine plus ou moins longue des foyers élargis. La recherche internationale n’est pas très active sur cette maladie, compliquée à étudier. Les moyens de lutte, qui ne sont pas spécifiques à la seule culture bananière, sont et resteront très limités. L’amélioration génétique conventionnelle reste une voie importante encore peu explorée.

La prise de conscience internationale de l’importance du respect des règles de mouvements du matériel végétal et la large adoption par l’agro-industrie bananière des vitroplants devraient limiter les risques actuels. La dispersion de la race T4 reste sous surveillance. Sous des conditions de contrôle strict des mouvements de matériel végétal,  de surveillance et d’éradication des plantes atteintes, le scénario d’une dissémination rapide de la maladie est peu probable.

Les cercosporioses

Les productions bananières sont confrontées à deux types principaux de cercosporioses : la cercosporiose jaune (Maladie de Sigatoka — MS) et la cercosporiose noire (aussi appelée Sigatoka noire ou Maladie des Raies Noires — MRN). Elles sont provoquées par des champignons parasites foliaires. L’agent pathogène de la MS est Mycosphaerella musicola et celui de la MRN Mycosphaerella fijiensis.

cercosporiose noire
cercosporiose noire
cercosporiose jaune
cercosporiose jaune
cercosporiose noire 1
cercosporiose noire 1
cercosporiose noire 2
cercosporiose noire 2

Une nouvelle espèce de champignon, Mycosphaerella eumusa, qui pourrait être responsable d’une nouvelle forme de cercoporiose noire encore plus agressive que la MRN, semble s’étendre en Asie et dans l’océan Indien, mais cela reste à confirmer (elle a également été mise en évidence en Afrique de l’Ouest au Nigeria).

Dans les zones continentales, la propagation des cercosporioses se fait de bananier à bananier. Les zones maritimes constituent un obstacle naturel. Bien qu’on ne puisse pas écarter les risques d’une dissémination naturelle des spores du champignon par le vent, la transmission de la maladie d’une zone à l’autre résulte la plupart du temps de transferts incontrôlés de matériel végétal. La MRN est présente dans tous les pays producteurs d’Amérique latine, en Afrique et en Asie. Les pays de l’arc caraïbe ont longtemps été protégés par leur insularité. Sa présence a été officiellement confirmée à Saint Vincent ainsi qu’en Guyane en 2009 ; elle a été officiellement mise en évidence à Sainte Lucie au début de l’année 2010, à la Martinique depuis septembre 2010 et en Guadeloupe au début de l’année 2012.

La présence de la MRN à la Dominique n’a pas encore été mise en évidence à ce jour, mais son arrivée est maintenant inéluctable et ce vraisemblablement à très court terme.

distribution de la cercosporiose noire dans arc caraibe
distribution de la cercosporiose noire dans arc caraibe

Le champignon responsable de la MRN détruit le feuillage de la plante. La maladie apparaît sous forme de petits tirets noirs allongés qui évoluent très rapidement en nécroses. La généralisation des nécroses peut aboutir à la destruction totale des feuilles du bananier avant la récolte du régime, ce qui entraîne une diminution des rendements et une maturation avancée des fruits qui sont non commercialisables.

Ce mode d’action est exactement le même que celui induit par une autre maladie fongique qui était présente depuis une soixantaine d’années sur tous les continents : la cercosporiose jaune. Une lutte chimique raisonnée a été mise en place avec l’appui du CIRAD par les professionnels en Martinique et en Guadeloupe pour contrôler cette maladie. Des méthodes d’avertissement biologique et climatique, basées sur l’observation hebdomadaire en plantation de descripteurs biologiques de la maladie et de descripteurs climatiques, permettent de suivre la dynamique de la maladie et de déclencher les traitements à bon escient. La cercosporiose jaune a pu être maîtrisée au cours de ces dernières années avec un petit nombre de traitements — cinq à sept en moyenne par an sur les plantations antillaises. Ces méthodes de lutte raisonnée vont pouvoir maintenant s’appliquer au contrôle de la MRN.

Il y a des différences fondamentales entre les deux cercosporioses. Contrairement à la MS, la MRN peut se développer sur les bananiers d’exportation, mais aussi sur les bananiers plantains et sur d’autres variétés cultivées, également très sensibles à cette maladie. De par sa rapidité de développement, elle est aussi plus difficile à contrôler. Suivant les pays, les moyens de lutte mis en œuvre, les stratégies utilisées et les conditions de production (climat, itinéraires techniques, etc.), son contrôle peut nécessiter de quelques traitements à plus de cinquante traitements par an.

Des stratégies de lutte différentes

Dans les grands pays producteurs d’Amérique latine, les bananeraies d’exportation constituent de vastes ensembles agro-industriels établis dans des plaines alluviales. Compte tenu de la surface des bananeraies (plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’hectares), la contamination extérieure est faible. Il n’y a pas de foyers d’infestation à proximité immédiate des plantations agro-industrielles. L’homogénéité agroclimatique permet d’organiser et de rationaliser les traitements sur de grands ensembles. Le faible coût de la main d’oeuvre facilite les travaux d’assainissement indispensables via un effeuillage régulier. Dans ce contexte, l’impact des traitements en termes de nuisances n’est pas toujours pris en compte par les grandes compagnies, qui n’hésitent pas à utiliser des stratégies de lutte systématique, aboutissant à plus de cinquante applications annuelles. Ces applications sont réalisées selon une périodicité inférieure dans ce cas à une semaine, en utilisant le plus souvent des fongicides de contact (chlorothalonil, dithiocarbamates, etc.) ayant par définition une efficacité réduite : ils sont donc peu curatifs. Des fongicides systémiques sont parfois utilisés, mais  le plus souvent sur la base de « cocktails » (mélanges de produits systémiques, de produits pénétrants et de contact) en émulsions huileuses.

Le CIRAD a mis au point des stratégies de lutte raisonnée qui, pour contrôler la MS et la MRN, s’appuient sur des méthodes d’avertissement reposant sur le suivi de la maladie en bananeraie et sur l’observation de descripteurs climatiques (pluies, évaporation, température, etc.). Cette stratégie a été appliquée dans différents pays pour contrôler la MS mais également la MRN. C’est notamment le cas en Guadeloupe, en Martinique, au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Elle a pour objectifs principaux :

  • d’améliorer l’efficacité de la lutte, tout en réduisant le nombre de traitements annuels ;
  • de limiter les risques de sélection de souches de champignons résistantes aux fongicides systémiques utilisés ;
  • de réduire les pollutions et d’être ainsi plus respectueuse de la santé humaine et de l’environnement (centres urbains, rivières, plans d’eau, réservoirs, etc.).

Cette stratégie repose également sur une utilisation raisonnée en alternance de fongicides systémiques (benzimidazoles, triazoles, strobilurines) et de fongicides pénétrants (morpholines, etc.) qui, mélangés à des huiles de raffinerie, elles-mêmes fongistatiques, à bas volume (13 à 15 litres par hectare), prolongent l’efficacité de chaque traitement et contribuent par conséquent à la réduction annuelle du nombre d’applications.

Les fongicides systémiques mis sur le marché ont un mode d’action unisite sur le pathogène ; le risque de voir apparaître des souches résistantes à ces fongicides est important s’ils sont utilisés de manière irraisonnée et abusive. Ainsi en Amérique centrale, les phénomènes de résistance aux benzimidazoles, fongicides massivement utilisés lors de leur mise sur le marché, ont été observés deux ans seulement après le début de leur utilisation pour contrôler la MRN, nécessitant alors un usage plus important de produits de contact (15 à 40 kg de matière active par hectare et par an). Le même phénomène a ensuite pu être observé dans ces zones de production avec la MRN lors de l’apparition des triazoles, puis des strobilurines.

Au Cameroun et en Côte d’Ivoire, grâce aux méthodes d’avertissement et donc à un nombre réduit de traitements, ce phénomène n’est apparu qu’après dix ans, voire quinze ans d’utilisation de ces fongicides pour contrôler la MRN.

En Guadeloupe et en Martinique, ces problèmes ont commencé à apparaître lors du contrôle de la MS après vingt, voire trente ans d’utilisation raisonnée de ces fongicides par des méthodes d’avertissement.

De nouveaux moyens de lutte indispensables

Les stratégies de lutte actuelles ne pourront être utilisées indéfiniment. Aux Antilles françaises, la législation européenne en vigueur ne permet pas sur le plan technique la mise en oeuvre de stratégies de lutte raisonnée, reposant sur l’alternance de plusieurs matières actives ayant un mode d’action différent. Seuls deux fongicides appartenant à la famille des triazoles peuvent actuellement être utilisés en traitement aérien.

Un fongicide de la famille des strobilurines et un autre appartenant à la famille des morpholines ont reçu fin 2008 une autorisation de mise sur le marché (AMM), mais ils ne sont pas utilisés pour contrôler les cercosporioses (MS et MRN) car cette AMM est assortie d’une ZNT (distance de zone non traitée) de 100 mètres, incompatible avec les traitements aériens.

Des actions peuvent être envisagées pour pallier cette carence réglementaire — telles que révision de la ZNT à 50 mètres, engins permettant des traitements terrestres et aménagements techniques réduisant la dérive des brouillards fongicides, homologation de nouveaux fongicides systémiques, demandes de dérogations, etc. — mais la législation risque à terme de devenir de plus en plus restrictive.

La faisabilité de la mise en oeuvre d’une lutte raisonnée repose sur le statut des souches du champignon vis-à-vis des fongicides curatifs. Si les souches sont (cf. statut des souches invasives) ou deviennent résistantes à ces fongicides (cf. risques de mutation rapide des souches de M. fijiensis), cela compromet irrémédiablement la mise en oeuvre de telles stratégies.

Il faut donc rechercher d’autres méthodes pour contrôler ou réguler la MRN. La création de nouvelles variétés hybrides de bananiers présentant un comportement de résistance durable et des potentialités agronomiques et organoleptiques intéressantes est une des composantes de la lutte intégrée à privilégier pour contrôler la MRN.

Ces variétés devront être intégrées dans des systèmes de culture innovants et durables, qui feront également appel à des méthodes de lutte culturale (conduite optimale de la plante, gestion raisonnée de l’inoculum faisant appel à des méthodes d’assainissement mécanique, etc.) et qui permettront ainsi de réduire les impacts environnementaux négatifs des plantations industrielles et en particulier l’usage des pesticides.

Très rapidement, il faut penser à adopter une approche globale associant de nouveaux hybrides résistant à la maladie des raies noires et des systèmes de culture permettant de conserver durablement ces résistances.

Les maladies bactériennes

Du fait de leur mode de dissémination et de l’absence de variétés résistantes, les maladies bactériennes préoccupent de plus en plus les producteurs.

La maladie de Moko

causée par Ralstonia solanacearum (biovar 1 race 2)
ex  Pseudomonas solanecearum

maladie de moko
maladie de moko

On distingue deux faciès de symptômes selon que la bactérie est disséminée par le sol, les outils utilisés en plantation (machettes, etc.) ou bien par les insectes qui visitent les fleurs mâles ou leurs cicatrices après abscission. La colonisation bactérienne ascendante se traduit d’abord par une chlorose et le flétrissement des trois plus jeunes feuilles et le bananier meurt. Une section transversale du pseudo-tronc (ou de la souche) montre une coloration brun rougeâtre des faisceaux vasculaires. La présence d’un abondant exsudat bactérien est un argument supplémentaire pour le diagnostic de l’infection bactérienne. Si le plant contaminé porte un régime, la bactérie colonise l’ensemble des tissus vasculaires du fruit via le rachis. L’accumulation d’éthylène peut produire un jaunissement prématuré du fruit et une section transversale des fruits montre sans doute possible un important brunissement. Lorsque la bactérie est transmise par une machette par exemple, après la coupe du pseudo-tronc, les rejets contaminés (ou baïonnettes) noircissent et rabougrissent en 2 à 4 semaines. Cette maladie, décrite pour la première fois à Trinidad en 1910, reste absente des petites et grandes Antilles, excepté à Trinidad et Grenade. En revanche, elle s’est rapidement répandue du bassin amazonien brésilien et de l’est du Pérou jusque vers le nord du Guatemala et le sud du Mexique. Elle couvre une aire géographique considérable. En 1968, la Moko a été introduite aux Philippines à partir de matériel végétal. Il n’existe pas de variétés résistantes ni de moyens de lutte chimique. Seule une éradication avec quarantaine peut donner des résultats.

Le flétrissement bactérien

Banana Xanthomonas Wilt (BXW),
Banana Bacterial Wilt Disease (BBW),
causé par Xanthomonas campestris pv. musacearum

xanthomonas wilt
xanthomonas wilt

Les symptômes s’observent surtout après le stade rejet à feuilles lancéolées, particulièrement à la floraison : décoloration et flétrissement des bractées florales, noircissement et racornissement du bourgeon mâle. Les feuilles jaunissent, flétrissent, noircissent, fanent et se cassent (y compris le faux tronc). On observe des rayures jaunes ou marron au niveau vasculaire sur l’ensemble de la plante et, sur une section à la base du faux tronc ou de la souche, une sécrétion jaune pâle bactérienne. Ceci entraîne le flétrissement des régimes avec maturation prématurée et coloration interne brun rougeâtre des fruits. La plante meurt dans le mois de l’apparition de n’importe lequel de ces symptômes (un mois après l’infection). La transmission se fait par les insectes butineurs, le matériel végétal infecté (rejets, régimes, feuilles), les outils et les hommes, mais aussi par les animaux, l’eau de ruissellement, les éclaboussures d’eau de pluie et le vent. Il n’y a pas de variétés résistantes. La lutte consiste à une mise en quarantaine de plusieurs mois, mais aussi à détruire et éliminer les plantes infectées et celles à proximité. La vacation des animaux est interdite. Ce flétrissement a été observé et décrit en Ethiopie sur Ensete vers 1968 (concerne l’alimentation de base de 12 millions de personnes), puis en Ouganda où il progresse depuis 2001 (75 km/an). L’Ouganda est le second producteur de banane avec 10.5 millions de tonnes (250 à 450 kg par habitant) – production réduite de près de 40 % en 2006. L’extension est rapide, atteignant la République démocratique du Congo en 2004, le Rwanda en 2005, le Burundi, la Tanzanie et le Kenya en 2006.

Les maladies virales

Depuis plusieurs années, les maladies à virus ont pris une extension grandissante sur bananier (bananes dessert et bananes à cuire), due en grande partie aux facilités d’échanges et aux demandes de diversification. Il s’agit du bunchy top et des mosaïques dont les mosaïques en plage, en tirets et des bractées. Elles provoquent des pertes économiques variables, affectant tous les bananiers cultivés et aussi bien les grandes exploitations que les plantations villageoises. Ces pertes peuvent atteindre 90 %, voire 100 %, de la production pour le bunchy top (dû au Banana bunchy top babuvirus, BBTV) 40 à 60 % pour la mosaïque en tirets (due au Banana streak badnavirus, BSV) et plus de 40 % pour la mosaïque des bractées (due au Banana bract mosaic potyvirus, BBrMV). La dissémination des virus se fait soit par vecteur à partir des foyers d’infection, soit par l’utilisation de matériel déjà contaminé — rejets ou plantes issues de cultures in vitro — soit, comme dans le cas particulier du BSV, à partir de bananiers dits « silencieux » possédant des séquences virales intégrées au génome de l’espèce Musa balbisiana, capables de restituer des particules virales notamment à la suite de stress (abiotiques/conditions climatiques, multiplication in vitro ou in vivo intensive du matériel végétal, etc.).

Le bunchy top (BBTV)

Les plants présentent un aspect nanisant fortement marqué, avec une concentration des feuilles en haut du plant en forme de rosette. Les feuilles étroites, érigées et cassantes, présentent de fortes chloroses marginales. Le symptôme caractéristique reste l’apparition de traits discontinus vert foncé le long du pseudo-tronc, de la nervure principale et des nervures secondaires. Lorsque le pied-mère est atteint, tous les rejets sont infectés. Le vecteur le plus efficient est le puceron noir du bananier, Pentalonia nigronervosa.

bunchy top
bunchy top

Les mosaïques

La mosaïque en plage due au Cucumber mosaic cucumovirus (CMV)

Les plants atteints présentent des plages de décoloration chlorotique sur le limbe ainsi qu’une mosaïque de la nervure principale et du pseudo-tronc. Des infections secondaires de type bactérien peuvent apparaître sous la forme de pourritures, de l’intérieur des gaines constituant le pseudo-tronc. Une large gamme de pucerons est capable de transmettre ce virus. Cette maladie peut également être transmise mécaniquement par les outils de taille.

La mosaïque en tirets (BSV)

Le limbe des feuilles présente des traits discontinus jaunes, évoluant rapidement en nécroses. La nervure principale reste indemne. Pour les formes sévères de la maladie, le cigare est nécrosé et le bananier meurt. Lorsque le pied-mère est atteint, tous les rejets sont infectés. Cette maladie est transmise par différentes espèces de cochenille — Planococcus citri, Saccharicoccus sacchari et Dysmicoccus brevipes. Ces dernières années, des infections dues au BSV et non liées à une contamination extérieure ont été décrites dans diverses zones à travers le monde. Elles correspondent à deux causes différentes : 1/ des plants provenant de variétés hybrides interspécifiques saines de bananiers multipliés intensivement par culture in vitro et 2/ des descendances d’hybrides de bananiers issues de croisements interspécifiques entre géniteurs sains Musa acuminata (génome noté A) et Musa balbisiana (génome noté B). Différents stress abiotiques sont à l’origine de l’apparition de la maladie dans ces hybrides, cette dernière étant corrélée à la présence dans le génome du parent M. balbisiana de séquences virales endogènes du BSV (e-BSV) qui contiennent toutes les informations nécessaires à la synthèse de virus infectieux.

mosaique en tirets
mosaique en tirets

La mosaïque des bractées (BBrMV)

Les premiers stades de l’infection apparaissent sous la forme de tirets vert-jaune évoluant en nécroses brun-rouge sur le limbe et la nervure des feuilles. Une mosaïque jaune ou des stries de décoloration blanchâtres se développent sur le pseudo-tronc selon les variétés atteintes. Le symptôme final est la mosaïque des bractées. Cette maladie est transmise à tous les rejets par des pucerons ( Ropalosiphum madiis, Myzus persicae).

Prévention et lutte

Le seul moyen actuel de lutte contre ces maladies à virus des bananiers passe par la lutte contre le vecteur et l’utilisation de matériel indemne. En effet, il n’existe pas de bananiers résistant naturellement à ces maladies, ni de moyens curatifs immédiats autres que l’éradication après une attaque virale. La conduite à tenir est principalement basée sur l’utilisation de matériel végétal indemne — rejets ou plants issus de culture in vitro ou in vivo indexés vis-à-vis des viroses — et faible enherbement des plantations, lieux privilégiés de multiplication des populations de pucerons.

Les charançons

Originaire d’Asie du Sud-Est, le charançon noir du bananier s’est diffusé dans toutes les régions tropicales et subtropicales productrices de banane et de plantain. Le charançon noir ( Cosmopolites sordidus) est un insecte qui mesure entre 9 et 16 mm de long et 4 mm de large. Il se déplace librement sur le sol à la base des pieds de bananier ou dans les débris végétaux. Il a une activité nocturne et est très sensible au dessèchement. Sa diffusion se fait principalement par l’intermédiaire de matériel végétal infesté. L’adulte ne fait pas de dégâts. Les femelles pondent des œufs dans le bulbe, où les jeunes larves se nourriront en creusant des galeries. Ces galeries sont à l’origine de la perturbation de l’alimentation hydrique et minérale des plants, de l’allongement du cycle de production, d’une baisse importante des rendements et d’un affaiblissement de l’ancrage du bananier (sensibilité accrue aux coups de vent). Les fortes attaques peuvent entraîner la mort du plant. Outre les traitements chimiques classiques, le recours à du matériel de plantation sain (vitroplant), utilisé sur un sol assaini (jachère), limite le développement des charançons. De nouvelles techniques de piégeage des charançons par utilisation de phéromones (sordidine) sont disponibles. Des résultats intéressants ont pu être obtenus également en associant des nématodes entomophages à l’utilisation de pièges à sordidine.

Il n’en demeure pas moins que le charançon reste une des contraintes parasitaires majeures des cultures de bananiers, qu’elles soient industrielles ou villageoises (cf. grande sensibilité des plantains au charançon). Il paraît assez peu probable que des variétés améliorées puissent rapidement être mises au point. Des techniques de lutte à l’échelle de l’exploitation, basées sur l’utilisation de pièges et le maintien de faibles niveaux d’infestation, sont en cours d’étude et pourraient à terme constituer une alternative à la lutte chimique.

charancon
charancon
charancon sur bulbe
charancon sur bulbe

Les nématodes

Il existe de nombreuses espèces de nématodes parasitant les racines et les bulbes de bananier. Les nématodes à galles ( Meloidogyne spp.) et les nématodes spiralés ( Helicotylenchus spp.) sont répandus dans le monde entier, sur tous les types de culture. Toutefois, ceux qui provoquent le plus de dommages sont les nématodes migrateurs Pratylenchus spp. et Radopholus similis. Cette dernière espèce est universellement répartie dans les zones les plus chaudes de culture de bananiers, tout particulièrement sur les plantations intensives où elle a été disséminée par les transferts de matériel végétal lors de l’extension de cette culture au cours des deux derniers siècles. Pratylenchus coffeae est également réparti dans les zones les plus chaudes, mais il est généralement indigène et se trouve majoritairement sur les cultures de plantain. Pratylenchus goodeyi qui préfère les zones plus fraîches, étant originaire des hauts plateaux africains, s’est répandu dans certaines zones subtropicales, comme les Canaries.

nematode
nematode

Des ennemis souterrains

Les Pratylenchus et R. similis sont des endoparasites migrateurs, dont le cycle biologique complet se déroule en 20-25 jours dans les tissus des racines et des souches. Les formes juvéniles et les femelles restent toujours mobiles et peuvent quitter les racines dès que les conditions ne sont plus favorables. Ces formes migratrices peuvent alors coloniser de nouvelles racines. Au fur et à mesure de leur progression inter et intracellulaire, ces nématodes se nourrissent aux dépens du cytoplasme des cellules du parenchyme cortical, détruisant les parois cellulaires et provoquant la formation de tunnels évoluant en nécroses qui peuvent s’étendre à l’ensemble du cortex. Les nécroses des racines et souches peuvent être aggravées par d’autres pathogènes (champignons et bactéries). En particulier, les champignons du genre Cylindrocladium sont pathogènes et susceptibles de causer des lésions semblables à celles provoquées par les nématodes. L’association de ces deux parasites peut causer dans certaines conditions des dommages très importants. La destruction des tissus souterrains entraîne une réduction de la nutrition hydrique et minérale qui se traduit par un ralentissement de la croissance et du développement des plants. Cela peut entraîner de sévères réductions du poids des régimes et accroître le laps de temps entre deux récoltes. De plus, la destruction des racines diminue l’ancrage des plants dans le sol, augmentant les risques de chute de plants, particulièrement lors des périodes cycloniques, avec un fort impact économique.

Prévention et lutte

En plantation intensive, les applications de composés chimique (organophosphorés et carbamates essentiellement) sont encore utilisées, mais elles font peser des risques sanitaires importants sur l’environnement. Pour cette raison et malgré leur bonne efficacité et leur grande facilité d’utilisation, leur usage va être de plus en plus restreint en faveur de mesures de lutte alternatives. Parmi celles-ci, les pratiques culturales améliorant la fertilité des sols (travail du sol, irrigation, amendements organiques, etc.) permettent indirectement d’améliorer la tolérance des plants à la pression parasitaire. Des méthodes plus directes, telles les jachères et l’implantation de bananiers issus de micropropagation in vitro, sont couramment utilisées et permettent de réduire fortement les populations de nématodes (cf. Phytoma n° 584, juillet-août 2005). Ces méthodes sont largement utilisées par les producteurs de Martinique et Guadeloupe où elles ont contribué à une réduction de plus de 50 % de l’utilisation des pesticides au cours des dix dernières années.

Dans un futur plus ou moins proche, des interventions faisant appel aux antagonistes biologiques, aux symbiotes racinaires (mycorhizes) et surtout à la résistance génétique (par hybridation ou sélection clonale) permettront la mise en place de stratégies de protection intégrée de plus en plus efficaces. Toutefois, la grande complexité des peuplements de nématodes rend délicate la mise au point de ces techniques plus ciblées. Pour être efficaces, elles devront être capables de prendre en compte la diversité des situations culturales et écologiques.

Les maladies post-récolte

Les maladies de conservation (anthracnose de blessure, anthracnose de quiescence, pourritures de couronne) sont des facteurs qui limitent fortement la commercialisation des bananes exportées. Le Colletotrichum musae est à l’origine des deux formes d’anthracnose, tandis qu’un complexe parasitaire plus important est impliqué dans les pourritures de couronne : C. musae, mais aussi d’autres espèces parmi lesquelles des Fusarium, des Verticillium, des Botryodiplodia, etc.

Pour l’anthracnose on distingue deux formes :

l’anthracnose de quiescence : taches brunes se développant à la maturation des fruits en sortie de mûrisserie et ultérieurement dans le circuit de commercialisation. Cette maladie se traduit rarement par de lourdes sanctions commerciales.

l’anthracnose de blessure ou chancre : larges nécroses brunes se développant sur les doigts meurtris à la récolte ou à l’emballage. Ces symptômes sont observables dès le dépotage des fruits après le transport maritime et se traduisent par de fortes sanctions commerciales.

chancre
chancre

Les pourritures de couronne sont des moisissures se développant à partir des surfaces des découpes effectuées lors de la confection des bouquets en station d’emballage. Ces dégâts s’observent aussi après le transport maritime et se traduisent par de fortes sanctions commerciales.

Les champignons provoquant les maladies post-récolte sont largement présents dans les bananeraies et donc sur les régimes si ceux-ci ne sont pas protégés. Autrement dit, toute maîtrise des infections commence dès la sortie de l’inflorescence au sommet du bouquet foliaire. Pour l’anthracnose, la contamination par le Colletotrichum musae se fait principalement au champ. A la récolte, il n’est pas possible de voir à l’oeil nu si les fruits sont infectés, mais un test de dépistage peut être réalisé plus de trois semaines avant la coupe. Les fruits sont infectés principalement au cours du premier mois de floraison. Les spores disséminées par l’eau se développent sur les organes en début de décomposition (vieilles feuilles, bractées et surtout pièces florales). La maîtrise du chancre doit donc commencer au champ (épistillage, engainage des régimes, etc.), puis se poursuivre au hangar.

Pour les pourritures de couronne, la contamination des bouquets peut se produire à différents niveaux de la filière, ce qui complique énormément la mise en oeuvre des méthodes de lutte, mais la contamination par les eaux de lavage est probablement prédominante.

La lutte chimique n’apporte pas toujours de réponse satisfaisante. En effet, elle est parfois inefficace selon les zones de production et les périodes de l’année, et de plus des résistances aux fongicides se sont développées chez les différentes espèces fongiques impliquées. Enfin, il y a un intérêt croissant à développer des méthodes de lutte alternatives à la lutte chimique. En effet, ces traitements post-récolte posent deux problèmes cruciaux : les risques de résidus présents dans les fruits et la nécessité de retraitement des bouillies fongicides rejetées autour des stations de conditionnement après l’emballage.

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