Marché de la banane en France

  • Publié le 13/05/2016 - Elaboré par LOEILLET Denis
  • FruiTrop n°240 , Page 86 à 90
  • Gratuit

Ce n’est pas Waterloo mais pas non plus Arcole

Le marché français déçoit. Si la valeur du produit se maintient, la consommation dévisse depuis deux ans maintenant. Le potentiel est pourtant immense : un Français consomme 4 kg de banane de moins qu’un Allemand. Il est urgent d’agir pour redonner son dynamisme au marché, sans pour autant détruire de la valeur.

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L’exception française a une nouvelle fois frappé. En 2015, le marché a été à contresens du mouvement européen d’augmentation de la consommation. 200 grammes ont encore été perdus, ramenant la consommation par habitant à 8.6 kg/an. On s’éloigne du pic historique de 2013 avec 9 kg, niveau qui n’était pas non plus une performance. Rappelons que l’UE-28 en consomme 11.5 kg (+ 300 grammes par rapport à 2014).

Parce qu’il faut se rassurer, regardons chez nos proches et très peuplés voisins. La situation n’est pas vraiment meilleure, sauf qu’eux partent de bien plus haut. L’Allemagne revient à 12.5 kg/habitant/an (- 100 g) et affiche un taux de croissance annuel depuis 2010 de 2 %, quasi identique à celui de la France (+ 2.3 %). Le Royaume-Uni perd aussi en 2015 (- 200 g à 16.9 kg) et son taux de croissance annuel n’est que de + 1.7 % (depuis 2010). Se comparer, c’est certes se rassurer, mais parfois à bon compte, car si la France semble être un marché à maturité comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, ces deux pays consomment tout de même entre 4 et 8 kg de plus de banane par habitant et par an. Si le marché français est vraiment à maturité, serait-ce qu’il aurait oublié de grandir et serait en quelque sorte nain ? Dommage, car la dynamique fut excellente en 2011, 2012 et 2013, quand le marché français absorbait jusqu’à 586 000 tonnes (cumul 12 mois d’avril 2013 à mars 2014), alors qu’il n’en consommait que 470 000 tonnes en 2010.

banane - france - approvisionnement
banane - france - approvisionnement

En termes de valorisation, le marché français se porte plutôt très bien à l’image de ses voisins. On pourrait donc croire que la mollesse côté volumes est le prix à payer pour ne pas détruire de valeur ajoutée. Réduire l’approvisionnement serait donc le seul moyen de ne pas avoir de crise. Cette mécanique fonctionne, c’est évident. La preuve, le chiffre d’affaires estimé au stade import (sur base des volumes consommés donc nets des réexpéditions) progresse de 12 millions d’euros en 2015 pour venir frôler les 400 millions d’euros.

Pourtant le risque est de mourir en bonne santé, c’est-à-dire réussir à défendre la valeur du produit mais en consommer de moins en moins. Et puis, ne pas promouvoir la consommation en période commercialement faste, c’est prendre le risque de ne pas être en mesure de le faire quand le marché se retourne. Enfin, cela ne pousse pas à l’innovation qualitative, marketing, de service, etc. Chacun reste sur son pré carré, en priant pour que les conditions de marché restent à l’identique. Ce qui ne dure jamais très longtemps bien sûr.

Cependant, le croisement des données de prix et de volumes (série 2010 à 2015) montre un phénomène totalement contre-intuitif : une élasticité positive ! La demande augmente avec le prix. Le constat est évidemment à faire sur une plus longue période et en désaisonnalisant : prise en compte d’éléments perturbateurs importants comme un approvisionnement bananier en forte baisse ou une campagne de fruits de saison pléthorique, etc. Mais le sujet est d’intérêt. Une élasticité positive est caractéristique de deux types de produits. Un bien dit de Giffen (d’après Robert Giffen) qui est de première nécessité. Ou un bien de Veblen (d’après Thomas Veblen) qui est de luxe. On peut s’accorder facilement sur le fait que la banane n’est pas un bien de luxe ou plus généralement qui ne propose pas assez d’innovations pour subjuguer le consommateur. Nous ne sommes pas dans le cas de l’avocat. C’est donc un basique du rayon fruitier qui peut largement supporter un prix plus élevé sans pour cela réduire les achats et surtout sans mettre en péril le budget des ménages. Si en plus un travail était mené pour ramener de la valeur au produit (qualité, service), un cercle vertueux pourrait enfin s’enclencher.

banane - france - approvisionnement net
banane - france - approvisionnement net

Sinon, c’est une mort lente qui guette le marché. C’est pourquoi l’initiative des professionnels de toute la filière (des producteurs aux distributeurs), visant à mettre en place une interprofession, Association Interprofessionnelle de la Banane (AIB), pourrait changer les choses. On peut espérer que les professionnels ainsi réunis prendront des mesures de saine gestion du marché. Par exemple, cesser de relancer le marché par des promotions destructrices de valeur alors que l’équilibre offre/demande ne les y oblige pas. Rêvons que ces initiatives collectives (promotions génériques, meilleure connaissance des ressorts de consommation, améliorations techniques, etc.) fassent sortir la banane de son ghetto de fruit considéré comme la calorie la moins chère du rayon. Rêvons que les distributeurs cessent de la prendre en otage pour attirer les clients par des prix bas. Rêvons que les opérateurs intermédiaires ne s’alignent plus sur le dogme des distributeurs : « la banane est un marché de prix bas ».

banane - france - approvisionnement
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banane - france - consommation
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banane - france - reexportations
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banane - france - approvisionnement
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