Marché européen de l’avocat - Prévisions pour la campagne 2016-17

  • Publié le 23/09/2016 - Elaboré par IMBERT Eric
  • FruiTrop n°243 , Page 68 à 79
  • Gratuit

Des volumes pour alimenter la croissance

Si la prévision reste un exercice périlleux, certaines filières paraissent plus faciles à traiter que d’autres. Depuis quelques saisons, les spécialistes du marché de l’avocat ne sont pas les plus mal lotis. La force de la demande leur permet de prévoir l’avenir proche sans grand risque et, en plus, d’annoncer de bonnes nouvelles pour la majeure partie de la filière en tablant sur le maintien de prix élevés. C’est dans cet état d’esprit positif qu’il faut aborder cette campagne 2016-17. L’offre sera vraisemblablement importante, avec le retour de la production méditerranéenne à un bon niveau et une récolte de nouveau confortable pour les grands exportateurs sud-américains. Pour autant, elle devrait seulement permettre d’atténuer la tension sur le marché communautaire, où la progression de 15 à 30 % des volumes commercialisés, tant pendant la campagne d’hiver 2015-16 que durant celle d’été 2016, s’est accompagnée de prix records.

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Israël : mieux qu’un rebond !

La production méditerranéenne s’annonce d’un bien meilleur niveau qu’en 2015-16, où plusieurs coups de chaleur avaient fait fondre comme neige au soleil les récoltes des principaux pays exportateurs. Elle pourrait même atteindre un niveau record en Israël. Certes, certains vergers de la Galilée ont fortement pâti du coup de gel de décembre 2015 (une partie accusant d’ailleurs des dommages structurels très importants). Cependant, les autres régions, où se concentre l’essentiel de la production, n’ont pas été touchées. Par ailleurs, la croissance modérée mais régulière des surfaces en culture vient apporter un petit supplément de volumes. Ainsi, le potentiel export devrait être compris entre 55 000 et 60 000 t, niveau en progression de plus de 30 % par rapport à la saison précédente et proche du record absolu établi en 2006-07. La part du Hass devrait continuer à progresser et dépasser les 40 %. Le développement des volumes devrait être plus tardif qu’en 2015-16, les fêtes juives qui marquent le début de la nouvelle année ne démarrant que début octobre et ne se terminant qu’en milieu de mois.

avocat - israel - production
avocat - israel - production
avocat - israel - exportations
avocat - israel - exportations

Espagne : les pieds au sec, mais la tête au soleil

Les pays producteurs de l’ouest méditerranéen disposeront eux aussi d’une production à nouveau d’un bon niveau, malgré une pluviométrie très déficitaire ces derniers mois. En Espagne, la récolte devrait progresser d’environ 30 % par rapport à la « petite » campagne 2015-16 et donc approcher le niveau record de 2014-15 (environ 55 000 t expédiées vers les pays de l’UE-28). La progression est particulièrement sensible pour les variétés vertes, très peu présentes en 2015-16. Le calibrage devrait lui aussi progresser. Toutefois, le manque de pluies inquiète (printemps 2016 plutôt bien arrosé, mais après un hiver très sec, et suivi d’une absence quasi totale de pluies depuis mi-mai). Le lac de barrage de la Viñuela, dont les eaux alimentent une grande partie des cultures de l’Axarquia, n’était rempli qu’à moins de 40 % début septembre, alors qu’il devrait l’être à plus de 50 % à cette époque de l’année. Il faudra de bonnes pluies cet hiver pour éviter une forte alternance négative de production la saison prochaine.

avocat - espagne - production de la region de malaga
avocat - espagne - production de la region de malaga
avocat - espagne - exportations
avocat - espagne - exportations

Maroc : les jeunes vergers plus forts que la sécheresse

Le Hass marocain sera lui aussi plus présent en 2016-17. Les exportations s’étaient maintenues à un niveau pratiquement stable d’environ 7 000 t en 2015-16, la croissance du verger compensant les effets négatifs du coup de chaleur du printemps 2015. La production devrait être beaucoup plus généreuse en 2016-17. Tout comme en Espagne, le manque de pluies sera synonyme de bas rendements pour les petits producteurs. En revanche, les structures moyennes à grosses, qui disposent de bassins de stockage d’eau, bénéficieront d’une bonne récolte, d’autant que de jeunes vergers entrent en production ou montent en puissance.

avocat - maroc - production et exportation
avocat - maroc - production et exportation
avocat - maroc - exportations
avocat - maroc - exportations

Chili : de nouveau une belle saison

Est-ce la sortie du tunnel pour les producteurs chiliens, après une longue succession de récoltes étriquées en raison d’une sécheresse récurrente ? Peut-être car, pour la deuxième saison consécutive, la production devrait afficher un bon niveau. Avec une estimation à 200 000 t, elle devrait même être supérieure de 5 à 10 % à celle de 2015-16. Sans être généreuse, la pluviométrie a été d’un assez bon niveau et aucun épisode de températures extrêmes n’est venu frapper le verger. Le marché communautaire restera de loin la principale destination du Hass chilien. Cependant, il devrait peu profiter de la hausse de production, les volumes qui lui sont destinés se maintenant vraisemblablement à un niveau proche des 80 000 t de 2015-16. D’une part, le marché local devrait revenir un peu plus sur le devant de la scène, après une saison 2015-16 marquée par les effets du ralentissement économique sur la consommation des ménages (environ 40 % du Hass vendu au niveau national, contre 45 à 50 % les autres saisons). D’autre part, les exportateurs chiliens souhaitent développer leur présence en Chine et en Argentine, marchés rémunérateurs où des actions de promotion ont été budgétées. Enfin, les envois vers les États-Unis, tombés à environ 10 000 t ces deux dernières saisons, pourraient légèrement remonter grâce à un début de saison tonitruant en raison du manque de gros fruits mexicains.

avocat - chili - production
avocat - chili - production
avocat - chili - exportations
avocat - chili - exportations

Colombie : vers une nouvelle avancée à grands pas

La Colombie a montré, durant la saison 2015-16, qu’elle figurait parmi les acteurs qui comptaient, avec des exportations vers l’UE-28 dépassant pour la première fois 10 000 t. Elle devrait le confirmer de belle manière en 2016-17, avec des volumes qui pourraient doubler. Le jeune verger est en plein essor et la production progresse rapidement, parfois même plus vite que le niveau technique de certains producteurs (notamment problème de maturité hétérogène pour certaines marques, lié à une gestion inadéquate des multiples floraisons parfois présentes sur un même arbre). Si une grande part des professionnels colombiens s’est déjà hissée au niveau des standards internationaux, la frange restante doit renforcer son image de marque afin que toute la filière puisse tirer la quintessence de l’énorme potentiel de cette origine.

avocat - colombie - production et exportation
avocat - colombie - production et exportation
avocat - colombie - exportations
avocat - colombie - exportations

Mexique : des volumes disponibles pour qu’il réédite son exploit de 2015-16

Le Mexique fut l’invité surprise de la saison 2015-16 en Europe. Le premier producteur mondial de Hass, qui avait pointé le bout de son pédoncule en Europe en 2014-15 après une longue période de quasi-absence, a pris la place inattendue de deuxième fournisseur du marché d’hiver en 2015-16. Cette origine est-elle capable de rééditer cette belle performance en 2016-17 ? Ce qui est sûr, c’est que les volumes sont là. Le déficit de la production de « Flor loca » (première et plus légère des quatre floraisons), visible depuis le début de la saison 2016-17, donne une image erronée de la charge globale des arbres, qui s’annonce d’un bon niveau, alors que de très importantes surfaces de jeunes vergers montent en puissance ou entrent en production. Par ailleurs, même si une part du verger, chaque année plus grande, dispose de la précieuse certification pour exporter vers les États-Unis, il reste encore de très larges volumes non fléchés vers ce marché.

mexique - avocat - production
mexique - avocat - production
avocat - mexique - exportations
avocat - mexique - exportations

Pas de mainmise du marché des États-Unis sur le Hass du Jalisco, du moins à court terme

L’annonce officielle fin mai 2016 de l’ouverture des frontières américaines à tous les vergers agréés du Mexique, et non plus seulement à ceux du Michoacán, risque-t-elle de détourner du marché européen les autres grands états producteurs ? La question se pose notamment pour le Jalisco, d’où provient une grand part des volumes arrivant sur le vieux continent. La réponse est non, tout au moins à court terme. Les protocoles sanitaires à appliquer sont encore en négociation et ils devront ensuite être mis en place. Tout ceci prendra du temps. Il est difficile d’imaginer que les effets de cette ouverture se fassent sentir avant le 1er trimestre 2017, avec l’octroi du précieux sésame aux producteurs les plus avancés au niveau technique.

De plus en plus d’importateurs européens misent à nouveau sur le Mexique

Comment limiter le risque financier élevé intrinsèque à l’importation de Hass mexicain ? Une question que se posent la majorité des importateurs européens. Si cette origine constitue un réservoir de volumes unique durant une période de forte tension du marché, la travailler à grande échelle reste une gageure vu le coût de revient élevé des fruits et les conditions de paiement en ferme. La réponse passe par la maîtrise de la qualité. Ainsi, certains importateurs réfléchissent ou ont décidé d’envoyer un agent sur place afin de garantir l’homogénéité et la tenue des fruits qui leur sont destinés. Un point particulièrement important dans un pays où la chaîne de production est peu intégrée et où les standards de qualité sont ceux du marché des États-Unis, situé à proximité et moins exigeant que l’Europe. Certains opérateurs du Royaume-Uni semblent eux aussi s’intéresser de plus près à cette origine, jusqu’alors peu présente sur ce marché.

Le Hass du Mexique : pompier prêt à sauver l’approvisionnement du marché ou bien pyromane ?

Une dernière question se pose autour de cette origine : si les volumes sont là, que les importateurs sont en ordre de marche et que le marché apparaît porteur, ne faut-il finalement pas avoir peur d’un surapprovisionnement en fruits mexicains ? La question est légitime car, même avec les 45 000 t de 2015-16, les exportations mexicaines vers l’UE-28 ne représentent qu’une infime partie de la production du pays évaluée à plus de 1.6 million de tonnes. La réponse est clairement non, car le paiement en ferme des marchandises est un sérieux garde-fou. Une baisse des cours sous le niveau des prix de revient, qui par ailleurs sont élevés, se traduira immédiatement par un arrêt des commandes.

Un risque de report de volumes sur le continent en raison du Brexit ?

Si l’on synthétise toutes les hypothèses d’approvisionnement présentées précédemment et que l’on table sur des arrivages stables du Mexique, l’offre globale devrait progresser d’environ 15 à 20 % par rapport à la saison 2015-16. Un niveau tout à fait compatible avec le maintien de prix soutenus, si l’on considère la dynamique de consommation des dernières saisons d’hiver et d’été. Pourtant, la question de la répartition de ces volumes entre le continent et le Royaume-Uni se pose cette saison, en raison des conséquences financières du Brexit à venir. La livre sterling a perdu environ 15 % de sa valeur par rapport à l’euro depuis juin. Dans ce contexte, les grands fournisseurs du Royaume-Uni durant la saison d’hiver (Chili, Espagne et Israël) vont-ils déserter ce marché moins rémunérateur que celui du continent ? Risque-t-on, dans ce cas, un report de volumes significatifs qui pourrait conduire à un surapprovisionnement des autres marchés communautaires ? La question est d’importance, car le Royaume-Uni s’est affirmé, ces dernières années, comme le second pôle de consommation d’Europe, avec des importations qui ont dépassé les 80 000 t en 2015-16. Tous les professionnels s’accordent à dire que le Hass, devenu un « must have », ne manquera pas dans les linéaires outre Manche. D’une part, les distributeurs veulent jouer la carte de ce produit de plus en plus demandé. D’autre part, les exportateurs veulent aussi miser sur ce marché, principale locomotive aujourd’hui en Europe.

avocat - previsions de production et exportation 2016-17
avocat - previsions de production et exportation 2016-17
avocat - UK - import
avocat - UK - import
avocat - UK - importations
avocat - UK - importations

Un retour des variétés vertes, sans conséquences majeures sur les prix du Hass

Avec à nouveau une production plus large d’Israël et de l’Espagne, l’offre de variétés vertes va revenir à un niveau plus soutenu. Les Fuerte, Pinkerton et autres cultivars de cette famille représentent encore aujourd’hui environ 60 % des exportations israéliennes et 15 à 20 % de celles de l’Espagne. Ce retour risque-t-il de se traduire par une pesanteur sur le marché du Hass, notamment durant le cœur de la saison des variétés vertes, c’est-à-dire d’octobre à décembre ? Vraisemblablement pas, car la déconnexion entre ces deux marchés semble de plus en plus nette. D’une part, la demande en variétés vertes est devenue très peu élastique, vu le nombre de plus en plus limité de distributeurs travaillant ce type d’avocat (quelques hard-discounteurs et de rares chaînes traditionnelles). En cas d’année de production importante, l’offre s’accroît peu sur la période d’octobre à décembre, mais la saison tend à se prolonger. Les prix des variétés vertes restent au plancher durant cette période, mais n’empêchent pas ceux du Hass de grimper (cf. graphique) et vice versa. La campagne 2015-16 illustre d’ailleurs cette déconnexion : les prix du Hass ont eu tendance à baisser durant la  période considérée, alors que ceux des variétés vertes connaissaient un point haut.

Peu de fruits en début de saison et une remontée modérée de l’approvisionnement en fin de campagne

La saison démarre dans un climat d’extrême tension (peu de fruits chiliens en Europe et faible production de « flor loca » au Mexique), avec des niveaux de prix records (environ 13 euros/colis pour les calibres médians). Le démarrage de la saison de « flor aventajada » au Mexique vers fin septembre/début octobre devrait avoir un double impact : accroître la disponibilité en fruits mexicains pour le marché européen et provoquer un retour du Chili sur le vieux continent. L’approvisionnement devrait donc monter crescendo à partir de mi-octobre, pour commencer à culminer mi-novembre avec les démarrages des saisons méditerranéennes. Les disponibilités devraient seulement être légèrement plus importantes qu’en 2015-16 durant la fin de saison : si les Hass d’Israël et d’Espagne devraient être plus présents, ceux du Mexique risquent fort de manquer. Le marché des États-Unis devrait être très attractif à partir de mars/avril car il y a de fortes chances que la récolte californienne soit très limitée (climat particulièrement sec). 

Une faible dynamique de croissance en Méditerranée

Les implantations de nouveaux vergers durant la saison 2015-16 confirment aussi une tendance lourde : la dynamique de la production mondiale reste clairement sud-américaine. Certes, le potentiel de production se développe en Méditerranée, mais à un rythme limité. En Espagne, l’intérêt pour la culture est plus affirmé, après une succession de très bonnes campagnes au niveau économique dans un contexte où la culture de la mangue, certes moins gourmande en eau, fait dorénavant peur aux investisseurs vu les très importantes surfaces implantées ces dernières années. Quelques nouvelles plantations de Hass voient le jour, notamment dans des zones pionnières faute d’eau et de terres dans la région reine de l’Axarquia (frange est de la province de Cadix, Campo de Gibraltar dans celle de Huelva, sud de la province de Valencia), mais qui sont parfois limites au niveau climatique ou pédologique. Il faudrait développer des infrastructures hydriques d’importance (comme le projet de canal d’amenée des eaux du barrage d’Iznajar, au nord de la province de Cordoue) pour donner un nouveau souffle à la filière, dont les perspectives de croissance reposent aujourd’hui surtout sur les investissements visant à accroître la productivité. La dynamique est plus franche en Israël et au Maroc, mais reste d’ampleur limitée (+ 300 à 500 ha par an dans les deux cas). Les doutes sur la rentabilité des importants vergers de petits agrumes (variété Or), mis en place ces dernières années, pourraient amener à une reconversion de ces surfaces en avocat et accroître la croissance en Israël, si tant est que les pépinières suivent (plus d’un an d’attente).

Mais toujours plus de nouveaux vergers en Amérique latine

C’est clairement d’Amérique du Sud que viendra l’essentiel du carburant qui permettra d’alimenter la croissance du marché communautaire durant la saison d’hiver. La production mexicaine continue de croître de manière explosive (cf. article). La Colombie continue elle aussi d’avancer à grands pas. Même si les statistiques officielles manquent, un rythme de croissance d’environ 1 500 ha par an ces dernières saisons aurait permis au verger de Hass d’atteindre 15 000 à 16 000 ha. Par ailleurs, on reparle aussi de développement des surfaces au Chili. Les excellents résultats économiques de la saison 2015-16, le bon niveau de la production attendue en 2016-17 et des conditions climatiques un peu moins contraignantes ont redonné de l’optimisme à une filière dont le verger productif a été pratiquement divisé par deux en l’espace d’une dizaine d’années. Ces croissances conjuguées promettent un beau développement de la production d’Amérique latine. Tant mieux pour le marché mondial qui a besoin de volumes additionnels durant la saison d’hiver !

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