Tomate de contre-saison

  • Publié le 10/11/2017 - Elaboré par BENOIT-CELEYRETTE Cécilia
  • FruiTrop n°252 , Page 16 à 20
  • Gratuit

Un marché parasité, mais qui s’en sort bien !

Bien que toujours très perturbé par les enjeux politiques intra et extra-européens, le marché de la tomate de contre-saison est actuellement surtout en proie aux évolutions climatiques qui affectent directement les rendements et relèguent au deuxième plan les effets du Brexit ou de l’embargo russe. Ainsi, la campagne 2017-18 pourrait bien ressembler à la précédente, qui avait été très impactée par les chaleurs et soumise à une pression parasitaire forte, mais qui s’était finalement soldée par une belle valorisation du fait d’une moindre concurrence. De plus, aucune décision n’est attendue pour cette campagne en ce qui concerne la levée de l’embargo russe ou le Brexit.

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Un fort niveau d’importation extra-européenne en 2016-17, mais pas de pression en Europe de l’Ouest

Le marché de la tomate de contre-saison, bien que toujours très affecté par les événements politico-climato-économiques qui secouent le marché européen, semble être entré depuis deux ans dans une phase un peu plus apaisée sur le plan purement commercial. Même si les chiffres bruts des importations extra-européennes laissent croire à un alourdissement, avec un nouveau record franchi en 2016-17, celui-ci est uniquement imputable à la réorientation des tomates turques à la suite de l’embargo russe (près de 100 000 t, soit + 70 % sur la moyenne des 3 dernières années) vers l’Europe de l’Est essentiellement et un peu l’Europe centrale. Mais, paradoxalement, c’est l’image d’un marché sans forte pression qui est ressortie de la dernière campagne et qui a permis aux opérateurs de réaliser une belle valorisation de la production.

Si les volumes importés en Europe ont dépassé la barre des 500 000 t (+ 7 % par rapport 2015-16), les tonnages destinés à l’Europe de l’Ouest ont été stables, voire même un peu à la baisse. Ainsi les apports du Maroc se sont stabilisés (374 500 t, soit - 1 %) et ceux des autres origines complémentaires auraient reculé, que ce soit la Tunisie (- 17 %) ou le Sénégal (- 22 %) qui exportent chacun environ 8 500 tonnes vers l’Europe. En ce qui concerne Israël, les quantités ont encore franchement baissé, divisées par dix en seulement six ans (1 190 t, soit - 22 %). Ce repli n’est toutefois pas imputable à la présence espagnole qui a été moins marquée, comme en 2016-17, avec seulement un peu plus de 700 000 t expédiées vers le marché européen (- 12 % sur 2015-16), d’après les chiffres des douanes européennes pris entre octobre et mai. Il n’y a pas eu non plus de réel ralentissement de la consommation, même si la production européenne se développe sous lumière artificielle, notamment en Europe du Nord et, dans une moindre mesure en France, ou si elle démarre précocement dès le mois de mars. Le marché a, au contraire, été assez demandeur, notamment à partir de début 2017 et donc sous-approvisionné, permettant d’obtenir des prix rémunérateurs pour la plupart des segments tomate, sauf en début de saison.

tomate - UE28 - importations
tomate - UE28 - importations
tomate de contre saison - UE28 - importations
tomate de contre saison - UE28 - importations

De bons résultats en valeur

La baisse de la production est donc surtout imputable aux conditions climatiques (grosses chaleurs en été, pluies abondantes en hiver) et à une pression parasitaire forte dans la plupart des pays méditerranéens, que ce soit le virus de la cuillère, New Dehli ou Tuta absoluta, ce dernier s’étant plus nettement répandu au Maroc l’an dernier. Ainsi, la production a été légèrement déficitaire en Espagne lors de la dernière campagne (- 3 % sur 2015-16 d’après les chiffres officiels du ministère de l’Agriculture sur les quatre principales zones de production de tomate d’hiver), en dépit d’une superficie globalement similaire à celle de la campagne précédente, même si une diminution de 2 % avait été annoncée l’an dernier sur Almeria. Le déficit a été encore très marqué sur la zone de Murcie au début de la campagne avec les chaleurs de l’été (- 36 % sur la moyenne triennale), malgré des quantités nettement supérieures à celles de la campagne précédente (+ 57 %). Le volume a également baissé en saison aux Canaries du fait de l’érosion des surfaces, qui ont encore reculé de 2 % par rapport à 2015-16 (610 ha, soit 62 000 t). En revanche, si les surfaces sont stables au Maroc, le début de saison a de nouveau été tronqué l’an dernier par les fortes chaleurs de l’été.

Le marché a donc été tendu dès le début de saison. Les températures élevées de l’automne ont ensuite entraîné un développement rapide des volumes et une baisse sensible des cours dans un marché atone, ce qui a conduit à de très bas niveaux de prix en novembre jusqu’à 0.45-0.50 euro/kg. Mais le marché s’est vite repris après les fêtes de fin d’année, le temps froid ayant réduit la production en Espagne comme au Maroc. Les cours se sont encore raffermis en début d’année et sont restés soutenus, même si la concurrence s’est amplifiée avec les productions européennes. En effet, la production méditerranéenne, notamment espagnole, est restée inférieure aux moyennes de saison du fait d’un tri important entraîné par les chaleurs précoces. La demande s’est rapidement avivée en avril, dopée par les fêtes pascales (16 avril) et par un printemps précoce. Le résultat s’est avéré payant, puisque les exportations espagnoles, prises entre mai et octobre, auraient augmenté en valeur de 8 %, et que les importations en provenance du Maroc auraient progressé de 12 % en valeur d’après les chiffres des douanes européennes.

Une progression des achats de l’Europe du Nord, mais aussi de l’Espagne

Il faut souligner que les tendances divergent selon les différents marchés de l’Union européenne. Certaines destinations ont désormais atteint leur pleine maturité, tandis que d’autres s’ouvrent encore aux productions extra-communautaires. Si le marché français reste de loin le principal débouché des tomates marocaines, la demande y est souvent poussive et les importateurs installés à Saint-Charles ou même à Rungis réexportent de plus en plus de marchandises vers les autres pays de la Communauté européenne. Les importations françaises plafonnent donc de 280 000 à 300 000 t, mais ont quand même gagné 28 600 t en dix ans ! En fait, ce sont surtout les grands marchés d’Europe du Nord qui sont aujourd’hui les principaux moteurs de la croissance européenne en tomate de contre-saison, même si l’Espagne est encore très présente sur ces destinations. Le développement a été particulièrement marqué ces dix dernières années à destination du Royaume-Uni (+ 35 000 t) et des Pays-Bas (23 000 t), plutôt régulier vers l’Allemagne et l’Autriche (7 200 t) et très significatif récemment vers la Pologne (15 000 t). Singulièrement, la progression a été très sensible depuis trois ans sur le marché espagnol (de 15 000 à 20 000 t importées avant 2015-16, 29 000 t en 2015-16 et 38 500 t en 2016-17), faisant de ce pays, pourtant exportateur, la quatrième destination des tomates extra-européennes ! Signalons enfin que les volumes ont de nouveau progressé vers la Roumanie et la Bulgarie qui, effet indirect de l’embargo russe, retrouvent quasiment leur niveau d’importation d’il y a dix ans, avec essentiellement une augmentation du flux en provenance de Turquie. 

Sans doute pas trop de volumes pour 2017-18

La tendance pourrait bien se confirmer cette campagne, avec encore les mêmes effets et probablement les mêmes conséquences. Les surfaces sont globalement stables ou, tout au plus, en légère hausse en Espagne. En effet, il y a eu à nouveau un arbitrage entre cultures sur Almeria, ce qui devrait conduire à une stabilisation et peut-être à une baisse des surfaces en courgette, tout au moins en début de saison du fait des problèmes liés au virus New Delhi. Mais cet arbitrage a surtout profité au poivron (de + 5 à + 10 %), avec également une petite progression en tomate. Et même si les plantations ont été plus précoces, l’offre a de nouveau été réduite en ce début de saison par les chaleurs de l’été et la sécheresse qui sévit dans tout le sud de l’Espagne. Les volumes en provenance de Murcie sont ainsi restés anecdotiques en septembre, ne permettant pas toujours de couvrir les contrats, et le développement sur Almeria n’était pas réellement attendu avant fin octobre.

Au Maroc, il ne devrait pas y avoir de croissance des surfaces car les producteurs misent plutôt sur d’autres cultures comme les petits fruits rouges, y compris dans la zone de Marrakech. De plus, les rendements pourraient y être tronqués par la pression parasitaire car, même si des mesures ont été prises pour lutter notamment contre Tuta absoluta, les équipements (abris froids) permettent difficilement une fermeture hermétique des serres. Enfin, la campagne n’a pas réellement démarré avant la mi-octobre pour cette origine en raison des chaleurs de l’été.

Le contexte politico-économique devrait peu évoluer, le gouvernement russe n’étant pas décidé à lever l’embargo sur la Turquie afin de permettre le développement de la production locale, tandis que les effets du Brexit ne devraient pas encore se faire sentir puisque les négociations débutées en 2017 entre l’UE et le Royaume-Uni ne devraient pas aboutir avant 2019 ! Le bras de fer entre l’Union européenne et les représentants du Sahara occidental se poursuit quant à lui. Une première audience devant la Cour de justice européenne (CJUE) des représentants du Polisario (organisation du Sahara occidental) s’est tenue le 6 septembre dernier. Celui-ci estime que les importations européennes de produits agricoles en provenance de ce territoire, dont principalement la tomate originaire du Sahara, sont illégales puisque « les produits du Sahara occidental ne doivent pas être considérés comme originaires du Maroc aux fins de tarifs préférentiels ou de tout autre avantage conféré aux produits marocains par l’Union européenne ». Le CJUE a donc écouté le plaidoyer et fixé la date du 15 décembre prochain pour entendre le réquisitoire du procureur général avant de prononcer sa décision lors du premier trimestre 2018. Rappelons enfin que le contingent tarifaire est maintenant fixe pour les tomates du Maroc (257 000 t + 28 000 t de contingent additionnel), avec un prix d’entrée qui reste pour l’instant stable.

Cécilia Céleyrette, consultante
c.celeyrette@infofruit.fr

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