La mangue d’Espagne

  • Publié le 8/04/2016 - Elaboré par GERBAUD Pierre
  • FruiTrop n°239 , Page 68 à 73
  • Gratuit

Fiche pays producteur

L’Espagne occupe une place bien particulière dans le commerce international de la mangue. Encore ignorée au début des années 2000, elle s’est propulsée dans le groupe de tête des fournisseurs du marché européen. En une quinzaine d’années, cette origine est peu à peu devenue incontournable dans le calendrier d’apprivoisement de mangue. De plus, elle se singularise par plusieurs facteurs, dont le premier est sans nul doute son appartenance à l’Union européenne. C’est, en effet, le seul pays producteur européen, ce qui lui confère un véritable atout logistique par sa proximité des marchés consommateurs. La seconde originalité réside dans son choix variétal : on estime autour de 85 % la part de l’Osteen, variété totalement inconnue avant l’émergence de l’Espagne. Les expéditions de mangues espagnoles ne cessent de progresser par à-coups, au gré d’une production d’un niveau variable d’une année à l’autre. En effet, les zones de production sont en limite nord de l’aire optimale d’extension du manguier.

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Localisation

La production de mangue en Espagne se concentre sur la « côte tropicale » du pays, la frange littorale de l’Andalousie entre Malaga et Motril, où est également cultivé l’avocatier. Le succès remporté par la mangue a rapidement entraîné une intensification des plantations dans cette zone, mais également dans de nouveaux terroirs s’étendant jusqu’à Cadix à l’Ouest et Almeria à l’Est. Ce choix découle principalement des conditions pédoclimatiques de la région adaptées aux exigences du manguier. Les vergers ont rapidement colonisé les retombées du système pénibétique auquel appartient la Sierra Nevada. Le plus souvent installés sur des terrasses, les vergers de manguiers disputent souvent les arpents de terre disponibles à l’autre culture phare de la région, l’avocatier. Les surfaces actuellement plantées en manguier seraient de l’ordre de 5 500 ha, résultat d’une progression de 20 % par an depuis quelques années. Les exploitations sont majoritairement de taille modeste, estimée en moyenne de 2 à 4 ha. Jusqu’en 2005, les plantations se sont effectuées dans les zones les plus favorables à la culture du manguier. Cependant, les bons résultats économiques successifs ont incité les agriculteurs à planter dans des zones moins propices, plus exposées à la sécheresse, au vent et aux basses températures.

Progressivement, les vergers d’avocatiers ont été repoussés au bas des versants des reliefs andalous du fait de leurs besoins en eau, alors que les vergers de manguiers se sont hissés peu à peu au sommet des reliefs plus secs. L’extension du verger de manguiers s’est heurtée à deux facteurs : d’une part, la disponibilité en eau dans cette région historiquement limitée en ressources hydrauliques et, d’autre part, la pression foncière longtemps accaparée par le développement touristique, autre richesse de la région. Cette pression semble s’être atténuée depuis l’explosion de la bulle immobilière suite à la crise de 2008. L’agriculture, peu prisée par les pouvoirs publics au temps de l’essor du tourisme, apparaît aujourd’hui comme un secteur porteur et, par là-même, digne d’un nouvel intérêt en termes de revenus et de source d’emplois. Aussi, l’étau se desserre et favorise le dégagement de nouvelles zones d’implantation. Reste le problème de l’eau, jusqu’ici concentrée sur le développement touristique et l’approvisionnement des agglomérations. Là encore, la réussite de la filière mangue est en train de faire évoluer les choses, avec la promotion d’éventuels nouveaux aménagements hydrauliques favorisant le secteur fruticole.

 

mangue - espagne - carte zones de production
mangue - espagne - carte zones de production

Production

Parti de peu de choses à l’aube des années 2000, le verger de manguiers s’est développé au rythme de campagnes profitables. De quelques centaines de tonnes, la production a rapidement dépassé le millier de tonnes et atteignait le cap des 10 000 t à la fin de la décennie. L’accélération des plantations permettait un doublement de la production vers 2014. Le mouvement s’est poursuivi de façon soutenue, pour se fixer aujourd’hui autour de 25 000 t. Les plantations en cours laissent présager une augmentation de la production, actuellement estimée à 30 000 t, mais qui pourrait atteindre les 50 000 t dans les prochaines années, à l’instar de l’avocat. La filière espagnole de mangue s’appuie sur un millier de producteurs indépendants ou rassemblés en coopératives. La commercialisation est réalisée par une demi-douzaine d’importantes structures d’expédition. Mais il existe parallèlement un système de vente au cadran qui commercialise des mangues, notamment en début de campagne. Ces circuits de commercialisation écoulent, entre autres, des variétés moins prisées telles que Tommy Atkins, Sensation, etc., souvent de catégories qualitatives inférieures.

 

Calendrier de production et variétés

Le calendrier de production peut légèrement varier d’une année à l’autre, selon les conditions météorologiques affectant les zones de production. Mais, globalement, les premiers fruits commercialisables apparaissent vers mi-août. La campagne se poursuit selon les années jusqu’à mi-novembre et au plus tard fin novembre. Les premières récoltes, souvent composées de Tommy Atkins, sont généralement commercialisées sur le marché national et vers le Portugal. Cette variété est rarement expédiée vers les autres pays européens, sauf en cas de sous-approvisionnement global du marché. La véritable entrée en campagne, se traduisant par l’envoi de volumes croissants, intervient entre la seconde quinzaine d’août et début septembre. C’est avec l’Osteen, fleuron de la production espagnole, que se développe la campagne, qui s’achève généralement fin octobre. Cette variété est remplacée en fin de campagne par la Keitt, qui étire la saison espagnole jusqu’à fin novembre au plus tard. En septembre et jusqu’à mi-octobre, l’offre espagnole s’étoffe avec l’Irwin, livrée en quantité limitée. En octobre, des envois de Kent complètent la gamme.

L’Osteen constitue l’essentiel des expéditions d’Espagne, avec une part estimée à 85 %. La seconde variété en importance est vraisemblablement la Keitt (10 %), dont les surfaces plantées ne cessent de progresser et qui pourrait atteindre 20 % dans les années à venir. Cette variété, sur laquelle se fondent beaucoup d’espoirs, permet un allongement de la campagne. Les autres variétés mentionnées sont disponibles en quantités plus modestes, mais élargissent la gamme proposée et obtiennent des prix de vente souvent intéressants pour les expéditeurs (Kent et Irwin : 5 %).

 

mangue - espagne - calendrier de recolte
mangue - espagne - calendrier de recolte

Débouchés

Au début de la commercialisation des mangues d’Espagne, le principal marché visé était la France, en raison de sa proximité et, peut-être, de son ouverture aux fruits tropicaux. Après quelques campagnes, leur diffusion s’est accélérée et étendue aux autres pays européens. D’abord réticents, compte tenu des prix plus élevés demandés par rapport à l’offre brésilienne disponible en même temps, les différents marchés européens se sont progressivement ouverts à cette origine. Commercialiser des mangues d’une variété jusque-là inconnue (Osteen) nécessitait du temps pour qu’elle soit acceptée par les distributeurs et les consommateurs. L’augmentation des volumes mis en marché de mangues de bonne qualité globale a progressivement conquis les différents marchés, jusqu’à devenir une offre incontournable dans le calendrier d’approvisionnement de l’Union européenne. Les fins de campagne rapides d’Israël et du Sénégal en août et les fréquents démarrages tardifs des Kent du Brésil ont offert à l’Espagne un créneau commercial plus ample, les volumes et la qualité des fruits achevant de convaincre les distributeurs.

L’essentiel de la production espagnole est expédié sur les différents marchés européens. Paradoxalement, le fruit reste encore relativement peu connu sur le marché national en dehors de la zone de production. Cette situation laisse vraisemblablement encore un espace commercial aux producteurs.

La filière espagnole de mangue s’est développée de façon exemplaire : autour de quelques structures importantes, souvent initialement ancrées dans la production et la commercialisation d’avocat. La brièveté de la saison des mangues espagnoles a incité les entreprises du secteur à élargir leur période de vente. Pour cela, elles ont progressivement ajouté à leur activité première l’importation de mangues d’autres origines. Ainsi, la proximité culturelle et linguistique, mais aussi les facilités logistiques, les ont amenées à développer des relations commerciales avec certaines origines sud-américaines. En dehors de la période de production locale, l’Espagne est devenue une plaque tournante d’importation et de redistribution de mangues latino-américaines.

 

mangue - espagne - evolution des exportations
mangue - espagne - evolution des exportations

Logistique

La proximité des marchés destinataires constitue l’un des atouts majeurs de cette filière, compte tenu de l’importante flotte de camions disponible en Espagne et dédiée au transport de fruits et légumes. Elle permet de proposer des mangues de qualité supérieure. La récolte plus tardive assure un stade de maturation plus avancé, permettant aux fruits de développer davantage d’arôme. L’orientation du marché vers les produits prêts à consommer peut être parfaitement suivie par les producteurs espagnols depuis la production, assurant une meilleure plus-value aux produits.

Pour la part des fruits importés, la logistique, notamment aérienne au départ de certaines origines sud-américaines, constitue également un élément positif pour les entreprises du secteur. Le réacheminement vers les autres pays européens s’intègre parfaitement dans les réseaux développés depuis longtemps pour le transport des fruits et légumes, dont l’Espagne est par ailleurs un important fournisseur.

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