Campagne litchi 2015-16

  • Publié le 12/06/2016 - Elaboré par GERBAUD Pierre
  • FruiTrop n°241 , Page 54 à 59
  • Gratuit

Les autres origines de l’océan Indien

D’abord prometteuses, les conditions météorologiques semblent avoir non seulement réduit les capacités de production des origines traditionnelles de l’océan Indien, mais également celles des pays exportant en dehors de la période hivernale, comme Israël par exemple. La consommation de litchi se concentre de plus en plus durant les fêtes de fin d’année, ne laissant que peu d’opportunités commerciales pendant les autres mois de l’année.

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Afrique du Sud : Exportations en baisse

Décidément, les exportations de litchi d’Afrique du Sud varient sensiblement d’une année à l’autre. En 2014-15, elles s’étaient élevées à environ 2 180 tonnes, essentiellement destinées aux marchés européens. En 2015-16, les réalisations seraient estimées autour de 1 800 tonnes. Les années où l’Afrique du Sud expédiait 4 000 tonnes semblent lointaines. Si la production malgache est estimée à 50 000 tonnes, celle de l’Afrique du Sud est nettement inférieure, de l’ordre de 6 000 à 8 000 tonnes. Elle est principalement localisée dans les provinces du Natal et du Transvaal et provient de vergers de type industriel, soumis à de forts contrastes météorologiques. La succession de périodes de sécheresse ou, à l’inverse, d’excès de précipitations influe notablement sur les productions de fruits. Le secteur sud-africain est autrement structuré que celui de Madagascar, où la production de litchi est dirigée pour une faible part vers l’exportation et le marché local. En effet, les derniers chiffres disponibles indiquent que la production sud-africaine est exportée à 26 % à l’état frais et distribuée à 13 % sur le marché national, où les prix sont également rémunérateurs. Les 60 % restants sont orientés vers l’industrie de transformation. La coexistence de ces trois débouchés explique, en plus des variations météorologiques, les fluctuations des volumes dédiés à l’export.

Sur le marché international, l’Afrique du Sud se heurte à l’omniprésence des litchis malgaches, notamment en Europe. Pour pallier cette confrontation, les professionnels sud-africains ont, depuis quelques années, segmenté leur offre. Cette recherche de chemins commerciaux distincts s’est encore intensifiée cette année.

Les premières expéditions d’Afrique du Sud ont été effectuées par avion en deuxième semaine de novembre. Elles étaient composées de quantités limitées de la variété Fai Zee Siu, fruit de coloration verte à maturité mais présentant une bonne qualité gustative et un noyau de petite taille. Après ces quelques lots vendus autour de 9.00 euros/kg, les exportateurs ont concentré leurs envois sur la variété Mauritius, commune aux différentes origines de l’océan Indien. Cette année, la production a été constituée principalement de fruits de petite taille. Toutefois, quelques lots en calibre XXL ont été expédiés et se sont écoulés à des prix soutenus, entre 5.00 et 6.00 euros/kg, sans grande fluctuation face aux produits concurrents. Mieux calibrés, ces fruits se commercialisaient plus volontiers sur les marchés de gros en direction du commerce haut de gamme. Résistant  à la concurrence jusqu’aux fêtes de Noël, l’Afrique du Sud diversifiait ensuite son offre avec des fruits frais branchés de variété Mauritius, puis rapidement de variété Red McLean, alors que les premiers litchis bateau étaient mis en marché. Déjà aperçu lors de la campagne antérieure, ce segment semble s’être développé cette année. Cette offre, complémentaire à celle de la Réunion, prolongeait la campagne avion de l’origine jusqu’en février.

La campagne bateau a débuté en fin d’année, avec seulement quelques conteneurs dirigés plutôt vers les pays du nord de l’Europe. Les quantités les plus massives ont été livrées dans les premiers jours de janvier. Affectés par le repli de la consommation en début d’année, les litchis d’Afrique du Sud se sont vendus à des prix certes plus élevés que ceux de Madagascar, mais suivant la même évolution à la baisse. Désertant le marché français engorgé par les marchandises de Madagascar, les fruits d’Afrique du Sud se valorisaient mieux sur les autres marchés de l’Union européenne, qui se fermaient ainsi plus rapidement aux produits malgaches. La campagne s’achevait début mars avec la réception des derniers lots de Red McLean, vendus autour de 1.50-1.75 euro/kg sur un marché devenu apathique.

litchi avion afrique du sud - evolution des arrivages en europe
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litchi avion afrique du sud - evolution du prix import moyen en france
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litchi bateau afrique du sud - evolution du prix import moyen en france
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Île Maurice : Stabilité

Avec des exportations estimées à 165 tonnes au cours de la campagne 2015-16, l’île Maurice a obtenu des réalisations stables par rapport à la campagne précédente. Afin de valoriser leurs envois, les professionnels mauriciens sont, depuis quelques années, plus attentifs à la qualité des fruits destinés au marché européen. L’île Maurice a longtemps expédié les premiers litchis de la zone de l’océan Indien afin de bénéficier de bonnes conditions de vente. Mais l’expérience a montré que cette stratégie n’était pas forcément la meilleure car elle entraînait souvent la mise en marché de fruits non matures et, par là même, d’une qualité gustative décevante. La surveillance accrue du stade de maturité des fruits a permis d’améliorer réellement la qualité, mais a fait perdre leur caractère précoce aux exportations mauriciennes. Ainsi, l’île Maurice est maintenant confrontée à la concurrence directe des autres origines de l’océan Indien. Cependant, les fruits mauriciens trouvent un créneau commercial sur les marchés européens grâce à leur prix de revient compétitif, dû au taux de fret aérien. Arrivées en même temps que celles de Madagascar en semaine 46, les premières livraisons mauriciennes se composaient majoritairement de fruits frais branchés. De bonne qualité gustative, ces marchandises livrées en faibles quantités se sont vendues à prix soutenus, qui s’orientaient rapidement à la baisse en raison notamment de la périssabilité des fruits et des méventes générées par la vague d’attentats à Paris. La suspension des marchés forains durant la semaine qui a suivi ces événements a fortement perturbé les ventes. La baisse de prix a été plus fortement ressentie pour les litchis frais que pour les litchis soufrés, qui bénéficient d’un délai de commercialisation supérieur. Les exportations de Maurice se sont alors principalement composées de fruits soufrés, dont le cours se stabilisait autour de 6.00 euros/kg en moyenne dès la semaine 48, alors que les apports de Madagascar fléchissaient. Le cours des litchis mauriciens se revalorisait quelque peu à la veille des fêtes de Noël en raison d’une demande plus dynamique, de la baisse des expéditions de Madagascar, mais également du fléchissement des livraisons mauriciennes. En effet, elles se sont fortement réduites en semaine 50 du fait d’une demande locale plus pressante et de problèmes en production. D’importantes attaques de ravageurs, notamment de chauves-souris, ont semble-t-il détruit les récoltes prévues à cette période. La campagne de commercialisation mauricienne s’achevait ainsi en fin d’année avec des volumes marginaux.

litchi maurice - evolution des arrivages en europe
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litchi maurice - evolution du prix import moyen en france
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La Réunion : Stabilisation et segmentation

Les exportations de litchi de la Réunion ont accusé un léger recul en 2015-16 par rapport à l’année précédente. Environ 440 tonnes ont été expédiées contre 460 tonnes en 2014-15. La Réunion reste le principal fournisseur de litchi frais du marché français, car peu de lots sont réexpédiés vers d’autres places européennes. En effet, l’accès à d’autres lieux de vente nécessiterait des délais de transport préjudiciables à la qualité de ces marchandises très périssables. La campagne de commercialisation des litchis réunionnais a démarré lentement mi-novembre, avec des volumes très limités compte tenu de la demande locale importante en début de saison. L’offre s’est ensuite amplifiée avec des cours en forte baisse après les attentats en France, moment de latence pour le commerce qui a affecté aussi les produits mauriciens. Ce n’est qu’à l’approche des fêtes de Noël que la demande s’est dynamisée simultanément à des livraisons plus importantes de litchi. Comme les années précédentes, les fruits de la Réunion ont reçu un bon accueil de la part d’une frange de consommateurs avertis, habitués à se procurer des produits haut de gamme à des prix de détail élevés. A partir de la semaine 52, leur cours fléchissait nettement, alors que les quantités s’amenuisaient. Cette évolution tranchait avec celle des campagnes précédentes, où la réduction des volumes avait pour effet un raffermissement des prix de vente. Il semble que, cette année, la qualité des fruits ait été plus fragile en fin de saison, expliquant la dégradation des cours.

Comme les années précédentes, les opérateurs réunionnais ont segmenté leur production en trois présentations distinctes : des fruits égrenés, des fruits branchés et des fruits présentés en bouquet. Cette segmentation, assez floue lors des campagnes précédentes, semble avoir été confortée cette année avec des niveaux de prix plus marqués et durables. On a observé une réelle valorisation des fruits présentés en bouquet, avec des prix supérieurs de plus de 3.00 euros/kg en moyenne à ceux des fruits égrenés. L’écart de prix pour les fruits branchés est également notable puisqu’il s’établit à plus de 2.00 euros/kg de moyenne par rapport aux fruits égrenés, considérés comme la présentation la plus basique.

Il y a encore quelques années, cette distinction dans la présentation des fruits amenait des critiques récurrentes selon lesquelles il paraissait inconcevable de payer les rameaux au prix du fruit. Ces critiques se sont apparemment tues et les détaillants acceptent de payer des prix élevés pour des produits qui, outre leur qualité intrinsèque, permettent de créer une ambiance attractive dans les magasins. En effet, les litchis branchés ou en bouquet développent une identité différente, plus proche du produit naturel, fraîchement cueilli, voire proche du fruit issu d’une culture biologique, sans traitement et plus sain pour la santé. Cette idée n’est d’ailleurs pas si éloignée de la réalité, la certification en moins. Ce qui paraissait extravagant il y a encore peu de temps s’est apparemment ancré dans la mentalité des consommateurs, dans un contexte où les produits bio, de l’agriculture raisonnée ou de proximité ont fait peu à peu leur chemin dans l’esprit des consommateurs.

Je ne résiste pas, en conclusion, à l’envie de narrer une anecdote vécue au cours de cette campagne. Une exportatrice de litchi de Madagascar m’a fait part de l’expérience qu’elle a menée avec sa fille de 6-7 ans. Devant des litchis de la Réunion et des litchis de Madagascar qui lui étaient proposés simultanément, la fillette s’est précipitée sur les fruits réunionnais délaissant ceux de Madagascar. La vérité ne sort-elle pas de la bouche des enfants ? Bien sûr, on s’éloigne ici du contexte commercial pour s’attacher à l’aspect subjectif du goût. Mais l’anecdote ne suggère-t-elle pas réflexion ?

litchi avion reunion - evolution des arrivages en france
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litchi avion reunion - evolution du prix import moyen en france
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litchi avion reunion - prix import moyen en france par presentation
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Mozambique : Toujours présent

La campagne 2014-15 avait vu l’émergence de cette nouvelle origine sur le marché européen. Précédemment expédiés le plus souvent par des exportateurs sud-africains, les litchis du Mozambique sont apparus au grand jour l’année dernière. Un scénario identique s’est reproduit cette année, avec des volumes en léger retrait passant de 60-80 tonnes en 2014 à 50-60 tonnes en 2015. Les expéditions aériennes ont débuté en semaine 47. La qualité des fruits permettait des ventes à prix élevés (9.00 euros/kg) pour des quantités limitées. Les cours fléchissaient ensuite autour de 5.50-6.50 euros/kg jusqu’en semaine 51, date à laquelle cessaient les envois. Légèrement plus précoces que ceux d’Afrique du Sud, les litchis du Mozambique entament la campagne des origines continentales de l’océan Indien. Leur calibrage, calqué sur le modèle sud-africain, favorise l’ouverture d’une fenêtre commerciale en début de campagne, plus particulièrement sur les marchés de gros où les détaillants recherchent des produits qui se démarquent de l’offre globale. Ces litchis bien accueillis s’insèrent progressivement dans le paysage du marché. Le potentiel de production de l’origine permettra vraisemblablement un accroissement des volumes dans les années à venir, mais encore lié au partenariat avec le voisin sud-africain.

Les autres origines

Parmi les origines fournissant le marché européen hors de la période de l’océan Indien, certaines semblent avoir connu cette année des revers météorologiques qui ont affecté la production et, par voie de conséquence, les exportations. Tout d’abord la Thaïlande, dont le calendrier d’exportation suit celui de l’océan Indien. Elle a été présente sur les marchés en mai et juin, alors que sa période d’exportation s’étendait d’avril à août il y a encore quelques années. Ses quantités se sont limitées autour de 150 à 200 tonnes, exclusivement expédiées par avion. Les prix de vente sont restés élevés compte tenu de la faible diffusion du produit. La Thaïlande abandonne sa traditionnelle deuxième place en tant que fournisseur de litchi du marché européen au profit de l’Afrique du Sud.

Les conditions météorologiques se sont avérées particulièrement défavorables pour Israël, principale source d’approvisionnement durant la période estivale. A ces facteurs naturels s’ajoute probablement un certain désintérêt pour le produit. En effet, depuis une dizaine d’années, les exportations d’Israël ne cessent de diminuer. Partant d’un millier de tonnes pour atteindre environ 800 tonnes, elles semblaient s’être stabilisées ces dernières années autour de 400 tonnes. Pour la campagne 2015, seules quelques dizaines de tonnes auraient été exportées vers l’Europe (60 à 80 tonnes). Ces produits n’ont été disponibles que tardivement cette année en août et septembre, avec une qualité très variable.

Comme chaque année, le Mexique a exporté quelques lots de litchi vers l’Europe, concentrés en juin. Ces fruits expédiés par bateau ont totalisé 60 à 80 tonnes, avec des prix orientés à la baisse.

litchi hors zone ocean indien - prix import moyen en europe en 2015
litchi hors zone ocean indien - prix import moyen en europe en 2015

Enfin, le Vietnam, origine émergente pour le litchi, tente de faire son entrée sur le marché européen. Présents de juin à mi-juillet, les litchis vietnamiens auraient représenté une centaine de tonnes. Une partie de ces marchandises était composée de fruits frais branchés, vendus à prix assez réguliers notamment sur le marché français. Cette origine, dont les exportations de petits fruits exotiques (fruit de la passion, ramboutan, pitahaya, etc.) ont explosé ces dernières années, essaie d’ajouter le litchi à sa gamme. Si la plupart des produits qu’elle exporte sont disponibles peu ou prou tout au long de l’année, le litchi en revanche, plus saisonnier, n’est disponible qu’en début d’été européen, période à laquelle la demande se porte davantage sur les fruits de saison (pêche, cerise, fraise, etc.), largement distribués et souvent bon marché. A part la satisfaction d’une demande en fruits exotiques nécessairement limitée à cette période ou celle plus ethnique des consommateurs d’origine asiatique, on perçoit difficilement les possibilités de progression du litchi du Vietnam à cette période de l’année.

En définitive, le temps où le litchi était quasiment présent tout au long de l’année sur les marchés européens semble s’éloigner. Même la période de concentration de l’offre en fin d’année a montré cette année quelques faiblesses. Lassitude face au produit ou stabilisation de la consommation préalable à un second souffle

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