L'assurance crédit

  • Publié le 13/06/2016 - Elaboré par Abecassis Delphine
  • FruiTrop n°241 , Page 44 à 44
  • Gratuit

Le formalisme au secours de l’assuré

L’assurance-crédit est un mécanisme bien connu sur le marché de Rungis. Son objectif est de garantir les entreprises contre les risques d’impayés. Le principe est très simple : lorsqu’une entreprise vend sa marchandise, notamment à l’export, elle peut se prémunir contre le risque d’impayé en faisant assurer sa créance auprès d’une compagnie d’assurance-crédit.

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En cas d’impayé, l’assureur se substitue au client de l’entreprise et verse à cette dernière tout ou partie de la somme non réglée, en fonction du montant qui avait été assuré. Ce système permet à l’assuré de réduire son risque commercial et de ne pas mettre son activité en péril en cas de défaillance de ses partenaires. En contrepartie, l’assuré verse une prime à l’assureur, calculée en pourcentage de son chiffre d’affaires.

Cette assurance, un peu particulière, échappe aux dispositions du code des assurances qui, majoritairement, protègent l’assuré. S’applique toutefois un article, qui paraît anodin, et qui prévoit que les clauses des polices d’assurances édictant des nullités ou des déchéances de garanties ne sont valables que si elles sont présentées en caractères très apparents (en gras, en couleurs, en gros caractères, etc.). Le but est d’attirer l’attention du lecteur sur ces clauses particulièrement importantes, qui peuvent aboutir à une absence totale de garantie.

Les compagnies d’assurances sont évidemment réticentes à mettre en lumière ce genre de dispositions qui leur permet d’écarter leur garantie dans des conditions qu’elles fixent. Les contrats d’assurance-crédit ne respectent souvent pas la loi et proposent des contrats n’attirant nullement l’attention de l’assuré sur des clauses qui peuvent pourtant leur être fatales. De façon générale, l’assuré lit à peine les conditions générales de son contrat, voire n’en a pas communication.

Récemment, notre cabinet a été consulté par une entreprise travaillant sur le marché de Rungis. Celle-ci avait sollicité, auprès de son assureur, un agrément pour deux nouveaux clients étrangers. Ces agréments lui ont été accordés sans difficulté. Lesdits clients étrangers n’ayant pas payé leur dette, la société a mis en œuvre sa garantie d’assurance. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque la compagnie lui a opposé une déchéance de garantie et a refusé de l’indemniser !

Il s’avérait, qu’en toute bonne foi, la société assurée avait commis une erreur dans ses déclarations et n’avait donc payé qu’une partie de ses primes. La compagnie d’assurance a soulevé une clause de déchéance de garantie contenue dans les conditions générales, dont l’assuré n’avait aucune conscience. Cette disposition stipulait qu’en l’absence de paiement de tout ou partie des primes, l’assureur pouvait refuser sa garantie. L’assuré a proposé de rectifier son erreur et de verser ses primes. L’assureur n’a rien voulu entendre.

Nous avons donc dû saisir le tribunal. Nous avons fait valoir que la clause de déchéance était présentée de la même manière que le reste du contrat et ne figurait pas en caractères très apparents. Cette clause était donc nulle et l’assureur devait indemniser son assuré. Le président du tribunal de commerce, qui n’est pas un juge professionnel, a refusé d’appliquer l’article de loi invoqué et a rejeté notre demande.

Sûrs de nous, nous avons interjeté appel. Par un arrêt du 12 novembre 2014, la Cour d’Appel de Paris nous a donné raison, a annulé la clause de déchéance de garantie et a condamné la compagnie d’assurances à indemniser l’assuré. Ainsi, l’assureur n’a non seulement pas perçu les primes mais a dû indemniser l’assuré à hauteur des agréments qu’il avait accordés. Une première dans l’histoire de l’assurance-crédit !

C’est parfois une petite règle de droit qui aboutit à de grands effets. Attention, toutefois, les assureurs tentent désormais de rectifier le tir et de modifier leurs conditions générales. Soyez attentifs aux documents que vous signez.

Delphine Abecassis, avocate au Barreau de Paris
Associée de 1804 société d’avocats

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