Marché européen des agrumes de contre-saison

  • Publié le 12/06/2016 - Elaboré par IMBERT Eric
  • FruiTrop n°241 , Page 16 à 23
  • Gratuit

Gérer la tension et non la pression

Les agrumes seront chers en Europe durant la saison d’été 2016 ! Les prévisions d’exportation des principaux pays fournisseurs de l’hémisphère Sud affichent des niveaux inférieurs à ceux de la saison passée ou plus faibles qu’attendu. En cause le phénomène El Niño, marqué cette année, qui a provoqué une sécheresse intense dans certaines zones d’Afrique australe et des pluies importantes dans certains pays d’Amérique du Sud. De plus, le marché européen s’annonce très ouvert. Les volumes d’agrumes méditerranéens disponibles à l’heure où démarre la campagne d’été sont nettement inférieurs à la normale et souvent limités à quelques reliquats, les déficits importants d’acteurs clés comme l’Espagne ayant entraîné un déclin précoce des volumes commercialisés. Par ailleurs, l’offre de fruits d’été concurrents devrait être plutôt légère. Ainsi, il faudra vraisemblablement gérer la tension et non la pression sur une bonne part des agrumes de la gamme.

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Afrique du Sud : une pause dans la croissance de la production

Le principal exportateur d’agrumes de l’hémisphère Sud, qui contrôle à lui seul les deux tiers du commerce citricole mondial durant la période estivale, affiche pour la première fois depuis le début de la décennie des prévisions d’exportation en repli (- 6 % selon le Citrus Growers Association). Cette baisse est la conséquence d’une météorologie particulièrement défavorable dans le nord du pays (Limpopo et Mpumalanga). La baisse des précipitations, fréquente dans cette partie de l’Afrique lors d’un phénomène El Niño fort, a été particulièrement marquée alors que les températures ont été très nettement supérieures aux normales saisonnières. Par ailleurs, un épisode de grêle d’une extrême intensité est venu frapper la région de Hoedspruit. Ainsi, la production de Valencia et de pomelo, cultures phares du nord du pays, devrait connaître une baisse sensible. Le calibrage devrait reculer lui aussi, même si la baisse pourrait être finalement plus légère que prévu grâce à de bonnes pluies de printemps. Ce déficit de production jouera un rôle structurant sur le marché mondial de ces deux spécialités, très largement contrôlé par l’Afrique du Sud durant la période estivale. En revanche, les productions du sud du pays ont moins souffert. Le potentiel export serait proche de la moyenne de ces deux dernières saisons en Navel. Il progresserait même de manière sensible pour atteindre un niveau historique en citron (+ 14 % par rapport à la moyenne) et en petits agrumes (+ 11 % par rapport à la moyenne), groupes variétaux pour lesquels les plantations ont beaucoup progressé ces dernières années.

agrumes - afrique du sud - realisations et prevision export
agrumes - afrique du sud - realisations et prevision export
agrumes - afrique du sud - exports
agrumes - afrique du sud - exports

L’UE-28, une valeur sûre en 2016, mais parmi d’autres marchés stratégiques

La question de la répartition des volumes sud-africains se pose chaque année avec une plus forte acuité, tant les débouchés export du pays tendent à se diversifier. Avec 650 000 à 700 000 t par an, l’UE-28 reste un marché clé, mais qui est maintenant talonné par l’Asie (550 000 t en 2015), suivie d’un peu plus loin par le Moyen-Orient (environ 380 000 t en 2015) et l’Amérique du Nord (environ 90 000 t). Certes, le marché communautaire a des atouts à faire valoir cette saison (prix vraisemblablement soutenus et contexte de change favorable), même si la gestion des problèmes sanitaires reste complexe. Pour autant, les exportateurs sud-africains ne devraient pas délaisser ces débouchés alternatifs, en règle générale rémunérateurs et stratégiques par leur potentiel de croissance, avec un petit bémol conjoncturel peut-être cette saison pour le Moyen-Orient, où la situation économique est dégradée par la faiblesse des cours du pétrole. La position de la Russie semble moins solide et la redistribution vers l’UE-28 d’une partie des 90 000 à 100 000 t qui lui sont allouées annuellement est peut-être envisageable.

Argentine : la production n’est toujours pas à son niveau nominal

L’année 2016 marquera-t-elle la fin de la descente aux enfers des exportations d’agrumes argentines ? Vraisemblablement, mais les volumes destinés au marché international, divisés par deux en moins de dix ans, ne devraient remonter que modestement. Certes, la récolte est d’un niveau plus important qu’en 2014 et 2015, mais elle n’a toujours pas retrouvé son plein potentiel. Les stigmates du fort épisode de gel de 2013 et de la sécheresse de 2014 se sont atténués, mais demeurent encore présents, notamment sur les vieux vergers. De plus, la pluviométrie a été excessive et a pesé sur la production, un printemps pourri ayant succédé à un hiver très arrosé (des inondations importantes ont même frappé la région littorale du pays en avril). Cette pluviométrie anormale aura aussi des conséquences multiples et négatives à l’export. La plus évidente est une propension accrue aux problèmes sanitaires, dans un contexte de très grande vigilance des autorités européennes, notamment vis-à-vis du black spot. Il est clair que le renforcement des contrôles décidé par l’organisme de protection phytosanitaire argentin (SENASA) ne sera pas sans impact sur les volumes destinés à L’UE-28. Par ailleurs, une partie plus importante des fruits que de coutume pourrait être d’un calibrage trop fort ou ne pas atteindre les critères de qualité requis pour l’export (renforcés ces dernières années pour le citron par la charte « All lemon »). Il faut par ailleurs souligner que le marché du jus et de ses dérivés est moins lucratif qu’en 2014 ou 2015, mais reste néanmoins très rémunérateur. Certes, la politique économique plus favorable à l’export, récemment mise en place par le gouvernement Macri, redonne de l’espoir aux professionnels (fin de la taxe de 5 % sur les exportations, découplage peso/dollar). Néanmoins, le redressement ne sera que progressif : l’inflation continue de filer (hausse d’environ 30 % cette année des salaires et de l’énergie) et gomme partiellement les gains liés au change. Une part très significative des exportateurs d’orange et de petits agrumes reste dans une situation économique très précaire, après une succession de campagnes très difficiles, car ils n’ont pas pu enregistrer leurs vergers à l’export faute de moyens pour appliquer les protocoles sanitaires. Les exportations de ces deux groupes variétaux risquent donc de ne pas connaître le mouvement de hausse modérée des exportations attendu en citron. 

citron - argentine - prix des derives
citron - argentine - prix des derives
citron - argentine - exportation
citron - argentine - exportation
citron - argentine - production
citron - argentine - production

Uruguay : des améliorations structurelles, mais une année très arrosée

Aucune prévision de production n’a été diffusée à l’heure où nous mettons sous presse. Pour autant, il apparaît que la météo a également été très atypique. Le nord du pays, où se concentre la grande majorité de la production (en particulier de petits agrumes et d’orange) a été très arrosé, le sud restant à l’inverse particulièrement sec. Tout comme en Argentine, les autorités du pays ont fortement renforcé les mesures de contrôle du black spot, après une saison 2015 où 70 lots positifs ont été interceptés aux frontières communautaires. Pour autant, le risque sanitaire semble relativement élevé cette saison, alors que les contrôles seront particulièrement stricts. Ainsi, les exportations vers l’UE-28 risquent fort de ne guère progresser par rapport à la saison passée, notamment pour la grande spécialité du pays, la Valencia. Dommage que cette conjoncture défavorable mette au second plan le mouvement de rénovation du secteur, qui se poursuit. Le processus de reconversion variétale, soutenu depuis 2010 par le « plan citricola » est toujours en marche (arrachage des vieux vergers d’Ellendale et de Valencia au profit de plants certifiés de variétés plus compétitives) et l’irrigation gagne lentement du terrain (environ 75 % des vergers export équipés). Par ailleurs, le mouvement de diversification des débouchés export suivra son cours, notamment au profit du marché des États-Unis ouvert depuis 2013.

Pérou : retour à un rythme de croissance rapide

Après une année 2015 de quasi statu quo, les exportations péruviennes devraient recouvrer le rythme de croissance soutenu connu depuis le milieu de la décennie précédente. Les volumes proposés sur le marché international devraient atteindre 130 000 t en 2016, niveau marquant une progression d’environ 15 % par rapport à la saison précédente. Rien d’étonnant car le verger se développe d’environ 1 000 ha par an selon ProCitrus. Comme de coutume, les exportations seront composées à plus de 80 % de petits agrumes. Les W. Murcott continueront de monter en puissance, aux côtés des Satsuma et Tangelo (Minneola notamment) qui constituent le socle de la gamme variétale. Pour autant, les envois vers l’UE-28 ne devraient pas progresser sensiblement. Tout comme leurs homologues argentins et uruguayens, les exportateurs péruviens devraient poursuivre le mouvement de diversification de leurs débouchés. Une nécessité vu les perspectives de croissance de la production (environ 8 000 ha de jeunes plantations à vocation export en place). L’essentiel des efforts de développement devrait porter sur le marché des États-Unis, tout aussi lucratif que l’UE-28, plus proche et offrant d’intéressantes perspectives de croissance. Les marchés d’Asie font aussi partie des axes stratégiques, tout comme ceux des pays voisins d’Amérique latine.

agrumes - perou - exportations par destination
agrumes - perou - exportations par destination
agrumes - perou - exportations
agrumes - perou - exportations

Une concurrence particulièrement limitée des agrumes méditerranéens

Le fournisseur du marché d’été le plus déficitaire cette saison est sans conteste la Méditerranée. En règle générale, certaines productions tardives de l’hémisphère Nord restent disponibles durant la première partie de l’été. Une tendance qui s’est sensiblement renforcée ces dernières années pour certains produits, avec notamment le développement d’une large gamme d’oranges Navel super tardives (Powell, Chislett, Barnfield, etc.) et plus récemment le regain d’intérêt pour la plantation de citron Verna en Espagne. Cependant, le déficit d’acteurs méditerranéens clés comme l’Espagne a été tel que le marché européen devrait être pratiquement vide cette saison dès le début du mois de juin. Ainsi, la campagne de l’hémisphère Sud s’ouvre dans un contexte de prix particulièrement élevés des dernières productions méditerranéennes.

agrumes de mediterranee - prix import en semaine 20
agrumes de mediterranee - prix import en semaine 20

Un déficit probable des fruits à noyau concurrents

La concurrence des derniers fruits à pépins et des fruits stars de l’été (pêche, nectarine, abricot, etc.) devrait être plus faible que de coutume. Certes, les stocks européens de pomme affichaient début avril un niveau supérieur d’environ 20 % à la moyenne. Cependant, les ventes se sont accélérées en avril, notamment en raison du retard des productions européennes de fruits à noyau. Ces dernières ont perdu leur précocité suite à un printemps souvent froid et pluvieux, qui risque fort d’avoir des conséquences négatives sur les niveaux de production. La baisse est confirmée en abricot (- 11 % par rapport à la moyenne au niveau européen, avec des reculs plus prononcés en France et en Italie). Elle est fortement suspectée en pêche, même si les chiffres officiels manquent encore pour le confirmer

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