Fret maritime

  • Publié le 9/02/2017 - Elaboré par BRIGHT Richard
  • FruiTrop n°246 , Page 86 à 90
  • Gratuit

Deuxième semestre 2016

Un bon mois, pour les armateurs et les opérateurs de reefers spécialisés de grandes capacités, se définit désormais en termes de niveaux d’optimisation de la capacité de la flotte, et non plus en termes de taux de TCE moyen. À ce titre, une large partie du second semestre 2016 se définit en ces termes. Alors que le marché spot n’a pas totalement disparu, les niveaux d’activité ont fortement chuté : les facteurs et variables qui agissent sur la demande en tonnage ont changé avec les investissements massifs en capacité slot effectués par les transporteurs, qui bénéficient maintenant de plus grandes capacités.

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Il est peu probable que cette nouvelle dynamique évolue. Cet environnement suscite de l’engouement pour le marché spot, mais il reste limité : si l’on se projette dans l’avenir, une prise substantielle de calamar dans l’Atlantique Sud, si elle se produit, sera vraisemblablement l’unique facteur de succès de ce qui était jadis la haute saison de février à avril. Par ailleurs, l’excédent annuel de bananes des Andes entre septembre et novembre, qui réveille habituellement le marché de l’affrètement au second semestre, fut plus une source de malheur que d’opportunité pour les affréteurs de bananes, et ceci pour la deuxième année consécutive. Cette situation devrait se débloquer, mais à l’unique condition que les économies des principaux destinataires de la Mer Noire et d’Afrique du Nord se relèvent et ouvrent à nouveau leurs ports !

Ce scénario a peu de chance de voir le jour à court terme et, de fait, l’inverse s’est produit à l’automne dernier. Autrement dit, il s’agit d’un nouveau coup dur pour le marché de l’affrètement ! Le gouvernement algérien a repris la main sur les importations du pays et a imposé des quotas sur les bananes et les pommes de terre de semence, une méthode qui se rapproche beaucoup de celle du Nigeria qui a instauré des contrôles sur certains produits d’importation. Ces deux commerces dépendent fortement des reefers. Ces nouvelles restrictions s’expliquent par la faiblesse du prix du pétrole combinée à la monnaie (USD) dans laquelle les marchandises doivent être réglées. Le dinar algérien est faible ; il a perdu 23 % de sa valeur face au billet vert sur les 24 derniers mois.

L’activité reefer est doublement pénalisée par l’intervention algérienne. Tout d’abord, les quotas et licences tendent à favoriser les plus petites expéditions par conteneur et freiner les sorties de fonds. Le nombre de déchargements de banane par navires reefer dans les ports algériens au second semestre de 2016 est en chute libre comparé à la même période en 2015. Ensuite, la perte du marché algérien reporte la pression sur Mersin, le port turc restant l’unique destination de l’Est méditerranéen où les navires reefers peuvent décharger leurs bananes spot. La volatilité ambiante et la faible valeur CIF observée entre septembre et décembre n’ont pas encouragé la spéculation, en dépit d’un prix de sortie bas pour les bananes d’Équateur et de tarifs concurrentiels proposés à la fois par les transporteurs et les opérateurs reefer. Beaucoup de fruits sont restés sur place !

navires refrigeres - capacite moyenne par classe de capacite
navires refrigeres - capacite moyenne par classe de capacite

D’un point de vue commercial, l’armateur/opérateur Maestro a remporté une affaire au nez et à la barbe de Chartworld, celui-ci s’étant fait damer 4 navires par celui-là pour le transport de bananes Chiquita en Méditerranée. En l’état actuel, la flotte Seatrade devrait intégrer les quatre navires restitués par Del Monte et Turbana, plus deux de De Nadai, au moment où l’opérateur met en place ses propres porte-conteneurs cellulaires à haute capacité. Ces derniers devraient être déployés sur les services de lignes entre la Nouvelle Zélande et l’Europe au détriment de son tonnage conventionnel.

Il sera intéressant de voir comment Seatrade relève le défi. En définitive, la contre-performance du marché Spot, la tarification agressive des lignes, la mise en conteneur du cœur de commerce des reefers, toutes ces tendances actuelles et à venir en 2017, dans un marché qui devra s’accommoder d’une épine supplémentaire de quatre reefers spécialisés tout droit sortis des chantiers et devant être exploités par Star Reefers et Baltic Shipping, devraient aboutir à une vaste campagne de démolition.

Après de bonnes performances entre 2013 et 2015, les armateurs et les opérateurs de petits tonnages ont traversé douze mois décevants en 2016. Le facteur déterminant du marché pour le petit segment est la santé de l’économie nigériane en général et la demande de poisson en particulier. Le pays, tributaire du pétrole, a souffert de l’excédent mondial pendant toute l’année 2016. La communauté internationale a largement approuvé la décision d’autoriser la libre fluctuation du naira au mois de juin, mais son décrochage immédiat de 30 % face au dollar dans la région a dispensé la mise en place de restrictions artificielles sur les importations de poisson !

navires refrigeres - nombre de navires par classe de capacite
navires refrigeres - nombre de navires par classe de capacite

L’intérêt s’est renforcé tout au long du mois d’octobre, mais le tonnage est resté suffisant pour satisfaire la demande et les affréteurs ont réussi à garder les tarifs sous contrôle. En revanche, l’engorgement provoqué par l’excédent de banane à Mersin a fini par se faire sentir. Le nombre de navires en attente depuis le mois d’octobre, jusqu’à deux semaines avant de pouvoir s’amarrer, a également pesé sur les petites unités, dont certaines affrétées pour des bananes. Cette situation a concordé avec le démarrage de la campagne d’agrumes du Maroc et d’Espagne vers l’Amérique du Nord, une plus forte demande tardive du Nigeria et le début de la saison des pommes de terre de semence entre le nord de l’Europe et l’Afrique du Nord. À la fin novembre, le marché s’était sensiblement contracté et les tarifs spot suivaient une trajectoire à la hausse.

Seatrade

Des informations ont circulé sur la manière dont Seatrade, le plus grand opérateur reefer du monde, compte déployer ses porte-conteneurs cellulaires tout droit sortis des chantiers. Selon une consultation client, les points marquants sont les suivants : « À ce jour, Seatrade a passé commande de 18 navires porte-conteneurs de 2 200 EVP, équipés de 750 prises et d’un système d’eau réfrigérée reefer, d’une longueur totale de 185 m. Huit navires seront déployés sur ses lignes de Nouvelle Zélande vers le Royaume-Uni/le nord de l’Europe via le Pérou et les États-Unis à partir de janvier 2017. »

Seatrade exploite un service direct entre la Nouvelle Zélande et l’Europe depuis 17 ans. Sur cette période, elle a transporté des kiwis Zespri vers l’Europe du Nord, ainsi que des pommes, des oignons, de la viande et du vin. Jusqu’à la fin de l’année 2016, les navires utilisés pour ces services étaient des reefers spécialisés traditionnels équipés de capacités d’emport en pont inférieur et de conteneurs reefers 40 pieds High Cube sur le pont.

Jusqu’à janvier 2017, le service était saisonnier et les volumes et capacités restreints en raison de la taille des navires. Par conséquent, l’hypothèse retenue est que le nouveau service de ligne fonctionnera toute l’année et partira de Tauranga, fera escale à Paita au Pérou et Philadelphie aux États-Unis, avant de se diriger vers Anvers, Rotterdam et Tilbury.

Les nouveaux navires vont déloger les tonnages reefers existants de leurs routes habituelles. La question de l’impact de ce service se pose alors sur a) le nombre de transporteurs que le négociant de kiwis Zespri affrétera en 2017 et b) les services de transport concurrentiels qui partent de Nouvelle Zélande et font du transbordement en Asie et/ou aux États-Unis. Les opérateurs reefer vont espérer que Seatrade gagne des parts de marché chez les transporteurs sans toutefois cannibaliser la demande en capacité pour les reefers spécialisés.

navires refrigeres - age moyen par classe de capacite
navires refrigeres - age moyen par classe de capacite

Capacité en conteneurs reefer

L’ampleur et la durée du ralentissement des activités conteneur se reflètent dans les résultats et les prévisions de fabrication de conteneurs reefers en 2016 et 2017 (voir tableau). Maersk Line, le premier transporteur mondial en capacité slot et équipements reefer n’a pas été épargné par morosité générale.

Fin septembre, le transporteur annonçait un recul d’environ la moitié de ses achats de conteneurs reefer en 2016 par rapport à 2015. Le communiqué de presse de Maersk Line est très révélateur et peut être extrapolé. Compte tenu de la place des reefers pour Maersk, cette information donne non seulement un aperçu des aspirations du transporteur danois, mais fait également la lumière sur le développement du secteur le plus rentable et connaissant la plus forte croissance du transport de conteneurs.

Le communiqué mentionne : les investissements par Maersk Line en 2016 dans de nouveaux conteneurs reefers vont accroître de 14 800 reefers la plus grande flotte reefer au monde, comptant plus de 270 000 conteneurs. Une partie de ses reefers viennent en remplacement d’unités plus anciennes, mais l’investissement fera grandir la flotte reefer et préparera la croissance à venir de Maersk Line dans le segment. Ajoutés aux 30 000 reefers achetés en 2015, ces investissements abaissent l’âge moyen de la flotte reefer de Maersk Line à 7,9 ans, ce qui est bien inférieur à la moyenne du secteur qui se situe à 12 ans, selon un récent rapport du cabinet de conseil maritime Drewry.

Étant donné la situation financière actuelle de Maersk Line, les prévisions moroses autour du transport par conteneur à court et moyen terme, ainsi que la rentabilité marginale des reefers pour l’ensemble des transporteurs, il n’est pas surprenant de voir Maersk réduire son investissement annuel de moitié. L’excédent de capacité reefer sur le marché est flagrant : les trajets sur les principales activités des reefers sont facturés en dessous de leur niveau d’il y a cinq ans, et les taux d’affrètement journaliers des conteneurs sont si bas que tout investissement supplémentaire constituerait un risque.

Si d’autres transporteurs ou bailleurs adoptent une stratégie de réduction similaire à celle de Maersk, il y aura des conséquences : à court terme, les chargeurs n’auront d’autre choix que d’accepter les risques liés à l’utilisation de conteneurs de plus en plus vieux. La raison pour laquelle le parc ancien détenu par les bailleurs de reefers est inférieur à celui des lignes est qu’après six ans, un conteneur reefer est bien plus difficile à louer, surtout à cause de l’usure ; les bailleurs gèrent leur parc en conséquence.

Si les perspectives pour le transport par conteneur concordent avec le pessimisme des prévisions, la capacité reefer connaîtra une crise à un moment ou à un autre, étant donné le taux de croissance annuel de 2,5 % annoncé par Drewry pour les reefers en 2020.

destruction de navires refrigeres
destruction de navires refrigeres

Actuellement, les investissements dans les reefers par les lignes tiennent plus du bon sens stratégique que commercial ; le segment n’est pas rentable, ni pour les bailleurs, ni pour les lignes. Le maintien des niveaux de capacité existants exige des fabricants qu’ils produisent 100 000 unités minimum cette année et les années suivantes. L’arrivée récente de l’unité de production de conteneurs de MCI au Chili entraînera un problème majeur de surcapacité à court et moyen terme, à moins que les transporteurs et les bailleurs ne commencent à passer commande pour plus d’unités. Cette perspective est peu probable, sauf si les nouvelles alliances réussissent à suffisamment comprimer l’offre pour imposer des augmentations de prix généralisées.

Tandis que le mode des reefers spécialisés détient seulement 5 % de part totale de la capacité reefer, celle-ci grimpe à 23 % du commerce maritime mondial, selon les estimations de Drewry. En réalité, ce n’est qu’une fois le mode des reefers spécialisés disparu que les transporteurs seront en mesure de les rentabiliser. Cela n’est pas près d’arriver si le prix du pétrole reste faible et que les reefers peuvent se permettre de rester compétitifs sur les coûts, et donc sur les tarifs.

Prévisions

À moins d’envoyer un nombre substantiel de reefers spécialisés à la démolition au premier trimestre de cette année, il est très probable que l’année 2017 soit aussi décevante pour les armateurs et les opérateurs que 2016. La capacité disponible reste encore bien supérieure au volume des marchandises, et face à un tonnage supplémentaire à venir ou à récupérer par les opérateurs en ce début d’année, le fossé entre l’offre et la demande sera trop important pour soutenir le mode.

Le changement de structure imposé aux modus operandi des reefers spécialisés par la stratégie agressive de vente à perte des transporteurs a presque rendu le marché spot inutile pour les affréteurs de bananes. À quelques exceptions près, la tendance est de tout transporter par ligne. Le défi pour les reefers spécialisés est de convaincre les clients de leur valeur ajoutée, sur toute la chaîne d’approvisionnement, de manière à pouvoir maintenir leur position dans la chaîne du froid lorsque le prix du pétrole, élément clé de la chaîne des coûts, finira par remonter.

Par ailleurs, plusieurs dangers guettent les opérateurs de petites unités : dans l’immédiat, une nouvelle prise de calamar médiocre aux Îles Malouines entraînera un surplus de capacité. Une crainte plus grande serait que de grands navires économes en carburant ne soient détruits et qu’ils s’installent sur le commerce de poisson, régime de base des petits reefers. Un grand navire reefer peut transporter des cargaisons partielles de poisson sur la côte Est de l’Atlantique à un taux à la tonne inférieur à celui d’une petite unité et cependant générer un TCE supérieur à celui d’une cargaison complète de bananes.

navires refrigeres - nombre de navires et capacite totale
navires refrigeres - nombre de navires et capacite totale

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