Marché de l'avocat tropical

  • Publié le 25/04/2018 - Elaboré par IMBERT Eric
  • FruiTrop n°255 , Page 32 à 38
  • Gratuit

Une grande distribution européenne bien frileuse

Malgré sa taille modeste, le Hass fait beaucoup d’ombre ! Particulièrement dominant sur la scène internationale, il laisse bien peu de place aux autres variétés de la famille des Persea americana Miller, dont le nombre se compte pourtant par centaines. Ainsi, les avocats dits « tropicaux » en font les frais avec un commerce international qui reste anecdotique. Appartenant plus ou moins directement à la race antillaise, ils sont reconnaissables par leur grande taille, leur épiderme lisse et généralement fin et leur faible teneur en huile. Hors production écoulée localement, les échanges internationaux stagnent  vraisemblablement autour de 20 000 à 25 000 t, alors que ceux du Hass ont cru de près de 15 % par an ces cinq dernières années pour approcher 1.7 million de tonnes en 2016.

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Une part importante de la production mondiale d’avocat, en particulier en zone tropicale

La production d’avocat tropical est bien moins limitée que ne le laisse supposer le niveau étriqué des échanges internationaux. Si avancer un chiffre serait très hasardeux faute de statistiques détaillées par variété, il est clair que la race antillaise représente une part significative du verger mondial. Elle domine dans les zones chaudes situées entre 0 et 1 000 mètres au-dessus du niveau de la mer de la région intertropicale. Ces fruits constituent encore aujourd’hui une grande partie de la récolte d’au moins trois pays figurant parmi les dix premiers producteurs au monde. En République dominicaine, ils représenteraient plus de 80 % des plus de 400 tonnes produites annuellement, avec des variétés très emblématiques comme Semil 34 (60 %), Créole (9 %) et Choquette (6 %). Ils comptent aussi pour la très grande majorité de la grosse récolte colombienne, évaluée par les autorités locales à près de 350 000 t. Les variétés les plus courantes sont Lorena (baptisée localement Papelillo), cultivée dans les zones de moyenne altitude dans la partie centrale du pays, Choquette et Santana qui sont surtout présentes sur la côte Caraïbe et dans les Santander. Enfin, ils constituent l’essentiel de la production brésilienne, estimée de 160 000 à 170 000 t selon le ministère de l’Agriculture (variétés Margarida, Quintal et Geada notamment). L’épicentre de la production se situe dans la province de Sao Paulo et, dans une moindre mesure, dans le Minas Gerais.

Les États-Unis, premier importateur mondial grâce au marché ethnique

Les volumes d’avocat tropical commercialisés aux États-Unis sont bien loin de ceux du Hass, qui avoisinent le million de tonnes. Néanmoins, ils atteignent un niveau significatif d’environ 35 000 à 40 000 t selon notre estimation. Tout comme pour le Hass, l’offre comprend une part de production locale qui, elle, provient de Floride. On recense environ 2 400 ha dans l’extrême sud de la Floride (comté de Miami Dade en particulier), où les risques de gel sont les plus modérés, sachant que ce fruit est très peu tolérant au froid. La récolte annuelle est de l’ordre de 22 000 à 25 000 t lors d’une année normale. Elle repose essentiellement sur la race antillaise au début de la saison en juin et sur des hybrides des races guatémaltèque x antillaise du milieu à la fin de saison, c’est-à-dire d’août à janvier. Surfaces et production sont en baisse constante, notamment en raison de l’impact du Laurel wilt. L’import permet de couvrir la période d’absence de production floridienne, et rien de plus. Le protocole draconien défini par l’USDA impose, en plus des mesures de protection sanitaire, des normes de calibrage, de niveau de maturité et jusqu’à un calendrier d’importation précis par variété. Les 13 000 à 15 000 t importées annuellement proviennent à 95 % de République dominicaine (variété Semil 34 en grande majorité). A la différence du marché du Hass, les volumes semblent stagner, voire même légèrement décliner ces dernières années. La clientèle reste essentiellement ethnique, reposant sur la population immigrée caribéenne ou d’Amérique centrale de la côte Est (états de New York et du New Jersey notamment).

Un marché européen difficile à estimer, mais de faible taille

Estimer la taille du marché communautaire est une tâche ardue. Certes, l’approvisionnement repose presque exclusivement sur deux pays fournisseurs, à savoir la République dominicaine et le Brésil. Cependant, ces deux origines exportent à la fois du Hass et des avocats tropicaux, et la nomenclature douanière de l’UE-28 ne permet pas de distinguer ces deux variétés à la différence de celle des États-Unis. Par ailleurs, les principales périodes d’exportation de Hass et d’avocats tropicaux tendent à se superposer et ne permettent pas d’isoler les flux de ces deux variétés. Néanmoins, le croisement des chiffres douaniers et des chiffres et informations provenant de sources professionnelles disponibles pour le Hass permet d’apporter un certain éclairage et de réaliser une estimation grossière. Si les importations toutes variétés confondues de ces deux fournisseurs ont été d’un niveau comparable de l’ordre de 6 000 à 7 000 t ces dernières saisons, il apparaît que la proportion de Hass est beaucoup plus importante dans l’offre brésilienne que dans l’offre dominicaine. On peut très grossièrement estimer que les volumes d’avocat tropical du Brésil seraient de l’ordre du millier de tonnes, alors que ceux de République dominicaine seraient plutôt de 4 000 à 5 000 t. Globalement, si l’on rajoute la petite centaine de tonnes vraisemblablement composée d’avocats tropicaux en provenance d’Afrique (Cameroun, Ghana, etc.) et de l’arc antillais (Martinique, Guadeloupe, Jamaïque, Sainte Lucie, etc.), on peut estimer la taille du marché européen autour de 5 000 à 6 000 t.

Surtout les pays du sud de l’Union européenne

L’avocat tropical semble très peu présent sur les marchés du nord de l’espace communautaire. Ce produit, plutôt cher, assez fragile et nécessitant des rotations rapides en magasin, ne semble pas cadrer avec le modèle de distribution de ces pays, où il n’est référencé que par un nombre très limité d’enseignes. L’essentiel des ventes se concentre dans le sud-ouest de l’Europe. En France, l’avocat tropical fait partie de la gamme, mais il est relégué dans le linéaire des « petits exotiques » et n’est présent que sporadiquement. Ainsi, moins de 10 % des enseignes le proposaient dans un sondage réalisé dans le sud de la France au printemps 2016, alors que le taux de présence montait à 80 % pour la noix de coco et le fruit de la passion et à 40 % pour la papaye malgré sa fragilité. Le rythme de vente reste donc très modeste dans les hypermarchés et supermarchés, en dehors du mois de décembre qui est la seule grande période de mise en avant du produit (pas d’animation spécifique pour les deux autres temps forts propices aux ventes d’exotiques que sont Pâques et le nouvel an chinois). Seule la chaîne « Grand Frais » met réellement en avant le produit, en le proposant toute l’année sur un large linéaire et à des prix attractifs. L’avocat tropical est aussi présent en Italie, où il représentait l’essentiel de l’offre avant la percée très récente du Hass. A noter aussi la tentative de mise en avant de ce fruit en Espagne ces derniers mois par le groupe Eurobanan, en utilisant un axe de communication « light ». 

Deux pays fournisseurs et deux profils d’offre

En dehors d’un poids de colis commun de généralement 6 kg (parfois 4 kg), les offres de la République dominicaine et du Brésil ne se ressemblent pas. En termes de calendrier de commercialisation tout d’abord, la République dominicaine est essentiellement présente d’octobre à février, période où la production de sa principale variété Semil 34 culmine. L’avocat tropical brésilien, quant à lui, est principalement commercialisé de mars à septembre, la variété Margarida représentant la majeure partie de l’offre. Quelques lots de Fortuna ou de Geada sont parfois proposés en début de saison pour faire la soudure. L’appréciation qualitative des opérateurs sur ces deux origines est également bien distincte. Si l’offre brésilienne correspond généralement à un haut de gamme, celle de République dominicaine est convenable mais plus standard (colisage générique, manque d’homogénéité des fruits, calibrage parfois aléatoire et nécessitant d’être retravaillé, etc.). Ce positionnement est calqué sur les attentes de la clientèle du marché ethnique des États-Unis, qui absorbe l’essentiel des volumes et pour laquelle le prix importe plus que la présentation.

L’atout prix de la République dominicaine

Cette différence de positionnement se retrouve au niveau des coûts de revient. Les fruits brésiliens sont 10 à 15 % plus chers que ceux de République dominicaine. Un décalage qui pèse quand on sait que l’avocat tropical se situe dans les fruits plutôt onéreux (3.50 à 4.00 euros/kg stade de gros), notamment en raison d’un fret quasi exclusivement aérien lié à la durée de vie assez limitée du produit. Ainsi, le Brésil tend-il à perdre des parts de marché.

Quels axes de développement ?

En dehors des grands pays de production, l’avocat tropical reste aujourd’hui un micro-marché peu développé, fonctionnant souvent très largement grâce à la clientèle ethnique. Certes, le fruit est attractif de par sa couleur souvent vive et brillante. Sa taille qui fait sensation est aussi un atout, à double tranchant néanmoins car elle correspond a minima à un peu plus du triple d’un Hass moyen (en général 6-10 avocats tropicaux par colis de 6 kg, soit 600 g à 1 kg/pièce). Par ailleurs, son prix de détail élevé et le manque d’information sur la façon de le consommer (en salade ou guacamole bien sûr, mais aussi sucré en mousse ou sorbet) sont autant de freins à la vente. Comment le rendre plus populaire ? En mettant à disposition en magasin des fiches recettes mettant l’accent sur son côté « light » ou en jouant sur les prix peut-être, tout au moins à certaines période de l’année. Le fret maritime, parfois utilisé pour les fruits dominicains, peut être un levier pour démocratiser le produit, notamment durant la période où le niveau de maturité des fruits n’est pas encore trop élevé (première partie de saison de Semil 34). Jouer sur la diversité variétale, énorme et totalement sous-exploitée, pour mettre en avant de nouvelles formes et saveurs, est vraisemblablement aussi un axe de développement intéressant. Reste maintenant à convaincre une grande distribution européenne encore aujourd’hui très frileuse, à de rares exceptions près

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