Marché européen de l’avocat d’été

  • Publié le 12/05/2016 - Elaboré par IMBERT Eric
  • FruiTrop n°240 , Page 18 à 31
  • Gratuit

Quelques nuages d’ouest à l’horizon ?

On sait de longue date faire de la bière avec des bananes en Afrique. La saison d’été 2015 a montré que du champagne pouvait couler des avocats en Europe. Avec un approvisionnement en progression mais parfaitement à la portée de la demande européenne, le millésime 2016 ne sera pas du même tonneau mais devrait rester honorable, tout au moins sur le papier. Une grande partie de la réussite de cette saison se jouera outre Atlantique, sur un marché des États-Unis toujours aussi affamé d’avocat, mais où le Mexique fait de plus en plus d’ombre à ses compétiteurs, et pas seulement durant la saison d’hiver. Une tendance qui ne sera pas sans conséquence sur l’approvisionnement du marché européen de contre-saison à moyen terme.

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avocat - UE - approvisionnement saison ete
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avocat - UE - pays fournisseurs saison ete
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Météo défavorable en Afrique du Sud

La saison 2016 se présentait initialement sous de bons auspices, le niveau attendu de la production devant confirmer la montée en puissance du verger sud-africain (environ + 500 ha par an ces dernières saisons). Cependant, la météo a été particulièrement adverse fin 2015-début 2016. D’une part, la sécheresse a été sévère dans les grandes zones avocatières du nord du  pays, la généralisation de l’irrigation ayant tout de même permis d’en atténuer les effets. D’autre part, deux épisodes de grêle sont venus frapper le Limpopo, dont un particulièrement dévastateur en février dans la zone de Tzaneen, présenté par la presse sud-africaine comme « le pire de ces vingt dernières années ». Quelques plantations, fort heureusement assez peu nombreuses, ont été si profondément touchées qu’elles devront être arrachées. Ainsi, le potentiel export global ne devrait pas excéder 12.8 millions de colis, chiffre similaire à celui de la saison 2015 et dans la moyenne des saisons précédentes, mais décevant par rapport aux prévisions initiales. Certains exportateurs considèrent même que cet objectif sera difficile à atteindre, les écarts de triage liés aux dommages superficiels causés par la grêle ou bien au calibrage, qui s’annonce en net retrait par rapport à la saison 2015, étant difficiles à estimer. Tout comme les années passées, la quasi-totalité des volumes restera destinée au marché européen, car même si les pourparlers sur l’ouverture des frontières des États-Unis avancent, ils n’ont toujours pas abouti. Le marché local, toujours en fort développement (55 000 à 60 000 t consommées ces dernières années), continuera de représenter une alternative intéressante.

avocat - afrique du sud - exportations
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El Niño limite l’envol des volumes péruviens

Tout comme en 2015, le développement de la production péruvienne ne sera pas du niveau que laissait présager l’explosion des surfaces, passées de moins de 10 000 ha au début de la décennie à environ 25 000 ha en 2016. Les températures ont été anormalement élevées dans le nord du pays, limitant l’essor de la production de provinces majeures comme celles de La Libertad (périmètre irrigué de Chavimochic) ou de Lambayeque (périmètre irrigué plus récent d’Olmos). Ainsi, le potentiel export de Hass affiche, avec un peu plus de 190 000 t, une hausse certes sensible par rapport à 2015 (+ 20 % environ) mais d’un niveau bien inférieur à celui connu de 2010 à 2014 (plus de 30 % en moyenne). Si l’on se fie à la programmation initiale par marché, l’essentiel de la progression des volumes devra être absorbée par le marché européen (environ 130 000 t de Hass, soit + 15 %). Les quantités prévues pour les États-Unis sont conservatoires (environ 50 000 t, tout comme en 2015). Les marchés de diversification devraient absorber des volumes en progression, notamment grâce au Japon et à la Chine dont les frontières se sont ouvertes en toute fin de saison dernière, mais qui resteront néanmoins modérés (moins de 10 % du potentiel total). Le calendrier s’annonce légèrement plus précoce qu’en 2015, les températures élevées qui ont affecté le nord du pays ayant accéléré la maturation des fruits.

avocat - perou - exportations
avocat - perou - exportations

Nouvelle année de légère progression au Kenya

Le Kenya n’a pas fait que se montrer plus présent sur le marché communautaire ces dernières années, avec des volumes de Hass ayant pratiquement doublé en l’espace de cinq ans pour approcher les 10 000 t en 2014 et 2015. L’origine s’est aussi montrée plus crédible, grâce aux efforts faits par toute la filière pour remonter le niveau qualitatif de l’offre. La montée en puissance devrait se poursuivre en 2016, avec des exportations vers l’UE attendues en légère progression. D’une part, autant que l’on puisse en juger, la récolte paraît d’un assez bon niveau, la pluviométrie ayant été plutôt convenable. D’autre part, de nouveaux exportateurs sont en lice et le coût du fret, qui est en nette baisse par rapport à la saison passée, est plutôt incitatif.

avocat - kenya - exportations
avocat - kenya - exportations

Stabilité de la Tanzanie et légère progression du Brésil

Quid des outsiders ? Les exportations tanzaniennes devraient être d’un niveau proche de celles de 2015, soit environ 3 500 t intégralement destinées à l’UE-28. La croissance des surfaces a été notable ces dernières saisons et continue d’ailleurs à un rythme de l’ordre de 100 à 160 ha, tant dans le nord que dans le sud du pays. Cependant, l’alternance de production est négative dans une des deux zones. La pluviométrie a été inférieure à la normale, sans pour autant provoquer de sécheresse. Le calibrage devrait donc être d’un assez bon niveau, surtout que les vergers sont jeunes.

En revanche, le Brésil devrait être un peu plus présent. Après une année 2015 d’alternance négative et de météo défavorable, la production de Hass, essentiellement concentrée dans la région de Sao Paulo, devrait revenir à un niveau plus soutenu en 2016. Ainsi, les exportations vers l’UE-28 devraient être de l’ordre de 4 000 à 5 000 t. 

Une progression de l’offre largement à la portée de la demande européenne

Si ces prévisions se vérifient, l’offre globale devrait progresser d’environ 10 % par rapport à la saison passée. Un chiffre en deçà d’une croissance de la demande européenne de 20 % entre l’année civile 2013 et 2014 et de 13 % entre 2014 et 2015 (cf. encadré). Certes, la dynamique de consommation a été plus faible si l’on recentre l’analyse sur la seule saison d’été 2015 (progression des volumes de « seulement » 6 %), mais c’est clairement faute de marchandises. La progression à peine imaginable du prix moyen de campagne (50 % par rapport à 2015, dépassant pour la première fois 10 euros/colis) démontre de manière évidente que le marché aurait pu consommer des volumes bien supérieurs à ceux disponibles.

avocat - UE - consommation apparente
avocat - UE - consommation apparente
avocat - UE - estimation de la consommation par habitant
avocat - UE - estimation de la consommation par habitant
avocat - UE - consommation apparente mai octobre
avocat - UE - consommation apparente mai octobre

Démarrer du bon pied...

Le marché saura-t-il démarrer du bon pied en début de saison ? Les prix élevés connus depuis quelques années en avril sont bien évidemment positifs pour la filière, mais ils ont aussi un effet pervers en incitant certains exportateurs à commencer leur campagne trop tôt, avec des marchandises immatures. Les conséquences sont multiples et graves. D’une part, vendre de tels fruits, qui plus est à des prix élevés, tend à freiner une consommation qui a fort besoin d’être relancée avant la montée en flèche des arrivages mi-mai. D’autre part, c’est non seulement l’image de marque de l’exportateur incriminé qui ressort ternie, mais aussi celle de l’origine. Force est de constater que la saison 2016 ne démarre pas très bien à l’heure où nous écrivons ces lignes, malgré la généralisation de protocoles imposant un taux minimal de matière sèche à l’export. Les efforts de contrôle doivent être plus stricts, notamment au Kenya et au Pérou.

...et ne pas déraper courant juin

Tout comme les années passées, la distribution des volumes dans le temps sera déterminante pour la réussite de cette campagne. La saison dernière a montré combien le mois de juin, quand commencent à se superposer les pics d’arrivages sud-africain et péruvien, est une période à haut risque : les prix ont plongé en semaine 23, après une succession de trois semaines d’approvisionnement global compris entre 2.1 et 2.3 millions de colis. Toutefois, ce virage dangereux a été bien négocié, grâce à un retour rapide à des arrivages plus modérés. Il est utile de rappeler que ce ne fut pas le cas en 2014, le marché basculant vers une crise longue et majeure (13 semaines de prix compris entre 5.50 et 6.50 euros par colis !). Il faudra, cette saison encore, éviter de tomber dans ce piège récurrent.

avocat - UE - volumes et prix ete 2013
avocat - UE - volumes et prix ete 2013
avocat - UE - volumes et prix ete 2014
avocat - UE - volumes et prix ete 2014
avocat - UE - volumes et prix ete 2015.
avocat - UE - volumes et prix ete 2015.

Étaler les volumes autant que faire se peut

Pour cela, il faudra davantage compter sur un bon ajustement de l’offre que sur des exploits de la demande. Il faut souligner que c’est le bon pilotage des volumes qui a permis au dérapage de rester contrôlé en 2015, car les actions mises en place par la grande distribution pour stimuler la demande se sont montrées plus que limitées. Difficile de motiver les grands distributeurs sur l’avocat à cette période de l’année malgré les efforts des importateurs, alors que l’offre de fruits et légumes de saison déferle. En France, seul pays pour lequel nous disposons d’indicateurs chiffrés, les actions se sont limitées à une semaine de promotion alors que les prix ont décroché pendant un mois. De plus, l’envergure de ces mises en avant a été modeste (taux de promotion de 13 %, alors qu’il peut atteindre 20 à 25 % en pointe, y compris à cette époque de l’année), les prix de détail revenant de surcroît à un niveau confortable de 1.10 à 1.16 euro par fruit (soit une marge non moins confortable de plus de 12 euros/colis), après une petite semaine de baisse significative. Les opérations de mise en avant ne semblent pas avoir été plus nombreuses ni plus percutantes sur les autres marchés européens. Le virage n’apparaît pas moins dangereux début juin cette saison. Certes, le point d’équilibre du marché est vraisemblablement supérieur d’une dizaine de pour cent à celui de la saison passée, compte tenu des réservoirs de croissance de consommation, mais il convient néanmoins de ne pas le dépasser. Une seule solution pour cela : étaler autant que faire se peut les volumes. Il faut souligner que cette stratégie est doublement gagnante, puisqu’elle permet non seulement d’éviter une plongée des prix en eaux profondes, dont on ne remonte qu’après un long palier, mais aussi de surfer sur un approvisionnement plus limité et prometteur de cours d’un bon niveau en août.

Une demande bluffante aux USA, mais le programme péruvien sera-t-il malgré tout tenable ?

Si, comme nous venons de le voir, des risques existent pour cette campagne d’été 2016, la progression attendue des volumes apparaît à la hauteur des capacités de croissance de la demande européenne. Reste un point cardinal à valider : la capacité des États-Unis à absorber le programme prévu par le Pérou. Ce marché semble beaucoup moins ouvert qu’en 2015. Certes, la demande ne devrait pas faillir et devrait continuer à se développer. Les chiffres de 2015 montrent une très forte reprise de la dynamique de croissance, qui contraste avec le net ralentissement de 2014 : les volumes absorbés ont progressé de 19 % par rapport à la saison précédente sans casse majeure au niveau des prix (recul de 7 %). Même l’ouest du pays, zone surconsommatrice qui semblait commencer à s’essouffler ces deux dernières années, a rebondi (progression de l’ordre de 15 % en Californie et dans le reste du grand Ouest). Pour autant, l’approvisionnement promet d’être particulièrement important, avec des volumes en nette progression pour deux fournisseurs majeurs. 

avocat - USA - evolution de la consommation
avocat - USA - evolution de la consommation
avocat - USA - volumes et prix detail
avocat - USA - volumes et prix detail

Enfin une campagne « normale » en Californie

Après deux saisons de disette en 2014 et 2015, la production californienne est revenue à un niveau « moyen » en 2016. Les  180 000 t attendues n’ont rien d‘exceptionnel (entre 230 000 et 240 000 t récoltées en 2012-13 et 2009-10), mais ce niveau affiche néanmoins une progression de 40 000 à 50 000 t par rapport aux deux saisons précédentes. Un rebond principalement lié à des précipitations plus abondantes en cette année de Niño, ayant permis de faire reculer — au moins temporairement — une sécheresse enracinée depuis le début de la décennie. Le calibrage apparaît toutefois plutôt moyen à faible.

avocat - californie - production et verger
avocat - californie - production et verger

Le Michoacán étend sa saison export

Autre motif d’inquiétude pour le Pérou : la concurrence mexicaine risque fort d’être beaucoup plus soutenue qu’en 2015. La progression de plus de 30 % des envois du Michoacán aux États-Unis depuis le début de la saison 2015-16 (juillet à mars) le laisse clairement penser. Ce sont plus de 200 000 t d’exportations supplémentaires qui se cachent derrière ce froid pourcentage, grâce à une récolte record estimée à 1.5 million de tonnes et à des surfaces agréées à l’export chaque année plus importantes ! Les spécialistes du marché américain considèrent que le flux en provenance de l’état « roi de l’avocat » devrait rester massif jusqu’aux grandes opérations promotionnelles du « Cinco de Mayo », les volumes déclinant mais restant supérieurs à ceux des années précédentes après cette date. Ainsi, le Mexique, fournisseur doté d’avantages comparatifs majeurs en termes de compétitivité de par sa proximité, risque fort de faire plus d’ombre que de coutume à ses compétiteurs. Les exportateurs chiliens en ont encore fait la cruelle expérience durant la saison d’hiver 2015-16 : les envois vers les États-Unis, qui dépassaient souvent les 100 000 t entre 2005 et 2010, devraient à peine atteindre 10 000 t.

avocat - michoacan - evolution des surfaces
avocat - michoacan - evolution des surfaces

Un Mexique peut en cacher un autre

La concurrence mexicaine risque fort de se conjuguer au pluriel dès cette campagne, ou en tout cas à assez court terme. Le marché des États-Unis est sur le point de s’ouvrir aux avocats Hass du Jalisco. L’autorisation, que l’on disait imminente en début d’année, semble prendre un peu de retard, mais pourrait néanmoins intervenir cet été si l’on en croit des spécialistes du marché des États-Unis. Le sujet est d’importance. Certes, la production de cet état n’a pas l’envergure de celle de son voisin le Michoacán. Néanmoins, elle figure parmi les cinq premières au monde avec une moyenne d’environ 150 000 t. D’autre part, la récolte, qui repose en grande partie sur le cultivar précoce Mendez et culmine de juin à août, est le complément idéal de celle du Michoacán, au plus bas à cette époque. Avec l’accréditation prochaine de cette origine, le Hass mexicain deviendra disponible en quantité importante douze mois sur douze, et notamment durant la période de commercialisation du Hass péruvien. Certains grands noms de l’avocat sur le marché des États-Unis comme Calavo ont d’ores et déjà investi dans cet état, en construisant une station de conditionnement à Ciudad Guzman.

avocat - jalisco - evolution des surfaces
avocat - jalisco - evolution des surfaces

Promotion et diversification : les maîtres mots à moyen terme

La question du débouché des fruits issus des jeunes plantations péruviennes, récemment entrées ou qui vont entrer en production, va se poser avec une acuité accrue dans les années à venir. D’une part, parce que les volumes en jeu sont particulièrement importants : avec un verger de Hass à haut rendement de 24 000 ha, la prévision du président de Prohass d’un doublement du potentiel export péruvien avant la fin de la décennie devrait se réaliser (400 000 t). D’autre part, parce que le marché des États-Unis apparaît structurellement de moins en moins ouvert. Certes, la consommation américaine, poussée par la formidable machine de promotion qu’est le HAB, a encore fait la démonstration de sa puissance. Et le maintien d’un rythme de croissance de 10 % par an (soit la bagatelle d’environ 100 000 t additionnelles par an) n’est peut-être pas une utopie, en particulier si le contexte de change peso mexicain/USD, particulièrement porteur cette saison, se maintient. Certes encore, la production californienne devrait au mieux se maintenir, avec des surfaces s’érodant et une problématique de disponibilité et de coût de l’eau agricole structurellement prégnante, hors année atypique de Niño. Pour autant, le Mexique ou plutôt « les » Mexique, qui bénéficient d’un niveau de compétitivité difficile à égaler du fait de leur proximité des États-Unis, semblent être largement en position de fournir la très grande majorité des volumes nécessaires. Selon l’USDA, les surfaces ont progressé de plus de 25 000 ha entre 2010 et 2015 dans le Michoacán, où les rendements vont de 8 à 16 t/hectare. Par ailleurs, l’impact de l’entrée du Jalisco sera vraisemblablement majeur. La concurrence avec le Pérou est frontale car le verger est largement composé de Mendez et les volumes sont appelés à fortement se développer avec un peu plus de 17 000 ha en culture, dont plus de 8 000 plantés entre 2010 et 2015, d’une productivité moyenne de l’ordre de 15 t/ha. Par ailleurs, si les surfaces disponibles commencent à se faire rares dans le Michoacán, il reste beaucoup de potentiel dans le Jalisco où le climat politique est de surcroît beaucoup plus serein et propice aux investissements.

Un net accroissement des exportations péruviennes vers l’Europe et les « néo-marchés » dans les années à venir

C’est donc plutôt vers l’autre grand pôle mondial de consommation, à savoir l’Europe, et vers les marchés de diversification que devrait s’orienter une grande part de la production additionnelle attendue au Pérou dans les années à venir. Il faut faire en sorte que les énormes marges de croissance de la consommation encore disponibles en Europe et dans le reste du monde évoluent au diapason de la montée en puissance rapide durant la saison d’été de l’offre, notamment péruvienne. La création, lors du congrès de Lima, d’un outil de promotion conçu à l’image du très efficace HAB et à vocation mondiale est incontestablement une très bonne nouvelle dans ce contexte

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