Banane biologique en Haïti

  • Publié le 1/07/2015 - Elaboré par LOEILLET Denis
  • FruiTrop n°233 , Page 24 à 29
  • Gratuit

Le projet Agritrans

Au pays des catastrophes naturelles et du sous-développement économique chronique, le projet haïtien de production et d’exportation de banane bio est une vraie bonne nouvelle. Les premiers fruits devraient être expédiés vers l’Europe d’ici septembre 2015. Le projet initial est de 1 000 ha, mais une réserve foncière de plus du double est disponible. Ce projet pourrait, à moyen terme, augmenter sensiblement l’offre mondiale de banane bio, dont le leadership est détenu par le voisin dominicain. En outre, le projet a un atout essentiel : il est conçu pour être parfaitement intégré au tissu économique et social local... en un mot, inclusif !

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Située dans le département du Nord-Est, zone de Limonade – Trou du Nord, cette grande zone de plaine côtière est bien adaptée à la production bananière. Il s’agit d’un sol argilo-limoneux de 40 à 60 cm sur une couche sableuse (corallienne) importante (avantage pour le drainage), en friche depuis plus de 50 ans (ancienne concession de plusieurs milliers d’hectares exploitée pour la production extensive de sisal).

Le climat sec nécessite obligatoirement la mise en place d’une irrigation (moyenne annuelle de pluviométrie inférieure à 1 000 mm). En revanche, ce climat est un avantage car il limite fortement l’impact de la principale maladie des bananiers, la  cercosporiose noire ou maladie des raies noires (MRN ou Sigatoka). Cette maladie est présente sur tout le territoire haïtien (depuis 2000), en République dominicaine voisine (depuis 1996) et dans toute la sous-région Caraïbe-Amérique latine. Ainsi la situation climatique de la zone est déterminante pour une production biologique, comme c’est le cas pour les principaux producteurs bio en République dominicaine, au Pérou (nord-ouest), en Équateur (sud-ouest), en Colombie (nord-est) ou au Ghana.

carte haiti
carte haiti

Un projet bien intégré localement

Le projet Agritrans, dont le promoteur est Jovenel MOISE, natif de la région, est en gestation depuis une dizaine d’années. Il découle de deux constats :

-          une production de banane pour l’exportation existait dans la région des plaines du Nord dans les années 1950. A l’époque, les fruits étaient exportés par la ville de Port-de-Paix et leur destination naturelle était la Floride, toute proche des côtes haïtiennes (deux à trois jours de mer) ;

-          les terres agricoles de la région sont pratiquement inexploitées depuis près de 60 ans. Seule une agriculture vivrière très précaire est développée sur ces terres qui appartiennent à l’État haïtien. Une certification « Agriculture biologique » en serait facilitée.

Le projet Agritrans intègre donc tous ces paramètres. Il produira de la banane biologique et ses investissements intègrent l’idée que le tissu local (la population, les exploitants actuels, la région) doit bénéficier du développement économique ainsi généré. De ce fait, un dialogue a été ouvert avec toutes les parties locales concernées. Il a conduit à la mise en place d’un certain nombre d’actions, comme l’indemnisation des parcelles vivrières détruites suite au remembrement, la promesse d’embaucher préférentiellement la main d’œuvre locale, la constitution de coopératives pour, à terme, la production de banane et d’autres fruits et légumes en association avec le projet, etc. Actuellement, le projet Agritrans s’étend sur près de 1 000 ha et détient une concession de l’État pour une durée de 25 ans.

De gros travaux réalisés pour des bananes disponibles dès septembre

Les premiers travaux ont démarré en septembre 2013 : préparation du terrain, réseau de drainage, creusement des puits et du bassin-réservoir d’eau, réseau d’irrigation primaire, réseau de pistes et parcellaire, consolidation d’une digue etc.

Le matériel végétal est issu de vitroplants déjà sevrés (variété William), en provenance du Costa Rica. La phase d’endurcissement (un mois) en sachets plastiques s’effectue dans une ombrière construite spécialement sur le site, d’une capacité de 230 000 vitroplants. Actuellement, le rythme d’endurcissement est de 80 000 à 150 000 vitroplants par mois et l’arrivage des vitroplants du Costa Rica s’effectue tous les quinze jours.

Les premières plantations, prévues initialement fin avril 2014, ont débuté en octobre, mais des épisodes pluvieux ont repoussé la plantation effective à fin novembre. En mai 2015, près de 200 ha avaient déjà été plantés, à un rythme de plantation de 7 à 8 ha par semaine. La densité de plantation est de 2 500 pieds/ha en double rangée.

La certification biologique est assurée par la société péruvienne Control Union qui possède un bureau basé à Santiago, en République dominicaine, où elle est la principale entreprise de certification.

L’irrigation est assurée par un réseau d’une dizaine de puits équipés de pompes électriques et reliés à un bassin de rétention de 27 000 m3 (permettant la décantation). L’eau est ensuite redistribuée par pompage au réseau d’irrigation goutte-à-goutte.

A moyen terme, un projet de barrage sur une rivière voisine est étudié avec l’appui de l’État haïtien, prévoyant la construction d’une canalisation d’une vingtaine de kilomètres amenant l’eau en amont de la zone banane et permettant l’irrigation par pression naturelle sans nécessité de pompage. La capacité de la réserve en eau serait de près de 100 000 m3, permettant l’irrigation d’environ 5 000 ha. Un réseau de drainage important a été installé (cas rares d’épisodes pluvieux importants).

Concernant les maladies et ravageurs, le risque de contamination en nématodes (une des contraintes majeures de la production bananière, surtout en Haïti) est a priori nul, si la règle impérative de l’utilisation de vitroplants est strictement respectée, avec l’interdiction absolue d’introduction de rejets (drageons) locaux et en prenant certaines précautions afin d’éviter la contamination par du sol importé (par la main d’œuvre par exemple). Une fertilisation et une irrigation efficientes ainsi qu’une maîtrise scrupuleuse des techniques d’effeuillage devraient suffire pour limiter l’impact de la maladie des raies noires (pression importante possible sur quelques semaines pluvieuses de l’année).

Un réseau de cable-way pour le transport des régimes des parcelles jusqu’à la station de conditionnement est en cours d’installation. Une seule station d’emballage est prévue pour les 1 000 ha et doit être construite très prochainement. Il s’agira de la plus grande en capacité de toute la zone Caraïbe.

L’exportation des bananes se fera à partir du port de Cap-Haïtien, situé à 30 km du site de production. Le temps de transport pour rejoindre l’Europe (Dunkerque) serait d’un minimum de 16 jours selon les routes maritimes empruntées. Les premières récoltes sont prévues pour juin-juillet 2015 et les premiers conteneurs serait expédiés vers août-septembre.

D’autres investisseurs entrepreneurs, haïtiens mais aussi étrangers, sont intéressés par ce projet et devraient initier à court ou moyen terme un montage similaire sur 1 500 ha.

Grâce à l’appui de l’Ambassade de France, le projet bénéficie de l’expertise du CIRAD, en ce qui concerne :

-          l’agronomie (fertilisation organique, itinéraires techniques, plantes de service, irrigation, etc.) ;

-          la phytopathologie (gestion biologique de la maladie des raies noires) ;

-          les impacts environnementaux et sociaux du projet global dans la zone ;

-          l’implantation de Vitropic (filiale du CIRAD) pour la fourniture de vitroplants de haute qualité (banane et plantain) ;

-          la formation.

Par ailleurs, la proximité de la nouvelle Université d’État « Roi Henri Christophe » à 500 m du projet est d’un grand intérêt, d’autant plus que la nouvelle faculté d’Agronomie possède 100 ha vierges pour l’expérimentation. Un projet de collaboration avec le CIRAD et l’Ambassade de France est en cours d’étude

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