Marché mondial du jus d’orange

  • Publié le 30/11/2013 - Elaboré par IMBERT Eric
  • FruiTrop n°216 , Page 63 à 72
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Une bouffée d’oxygène en 2013-14

Le millésime 2013-14 devrait être un bien meilleur crû que le précédent pour les producteurs d’orange brésiliens et floridiens, qui contrôlent à eux seuls plus de 80 % du commerce mondial du jus d’orange. Avec la forte baisse annoncée de la récolte brésilienne, l’espoir de voir les principaux indicateurs du marché du jus concentré sortir de la zone rouge renaît. La succession de deux campagnes de forte production en 2011-12 et 2012-13, dans un contexte d’érosion structurel de la demande, avait fait baisser de plus de 20 % les cours sur le marché physique et replonger la grande majorité des producteurs brésiliens d’orange dans la crise. Face à  des stocks de jus s’accumulant jusqu’à atteindre un niveau historique, les achats de matière première de la poignée de grands industriels du secteur s’étaient taris, au point de faire revenir les prix de la caisse d’oranges sous le coût de production.  

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Des récoltes proches de leur point bas historique au Brésil et en Floride

Avec 421 millions de caisses culture, le cumul des récoltes 2013-14 de Floride et de l’état de Sao Paulo affiche le plus bas niveau de ces dix dernières années. La baisse est de 20 % par rapport à la saison passée et de près de 30 % par rapport à 2011-12. La campagne floridienne serait quasi stable par rapport à la précédente, si l’on en croit les estimations des principaux consultants du secteur (pas de prévision officielle de l’USDA à l’heure où nous mettons sous presse, suite au shutdown d’octobre). Cependant, avec 130 à 132 millions de colis, elle figurerait parmi les plus faibles jamais enregistrées, égalant presque le point bas historique à 129 millions de colis de 2006-07, quand des ouragans dévastateurs avaient provoqué de nombreuses pertes directes. Mais ce niveau ne doit-il pas être d’ores et déjà considéré comme trop élevé ?

C’est clairement le cas si les chutes de fruits sont aussi importantes qu’en 2012-13, où elles avaient conduit l’USDA à amputer de plus de 20 millions de colis la prévision initiale d’octobre au fur et à mesure de l’avancement de la saison. A ce jour, c’est au Brésil que la baisse de production est la plus marquée : la région de Sao Paulo, coeur citricole du pays, perdrait plus de 100 millions de caisses culture par rapport aux deux saisons passées. Tout comme en Floride, la récolte, estimée à 290 millions de caisses, tutoierait les plus bas niveaux jamais enregistrés depuis le début des années 2000. De plus, le rendement en jus paraît lui aussi des plus bas, faute d’une pluviométrie suffisante durant le dernier cycle de culture. Début octobre, il fallait 270 caisses culture de 40.8 kg pour produire une tonne de jus concentré, contre 240 lors d’une année satisfaisante.

CONCENTRE D ORANGE BRIX CIF ROTTERDAM
CONCENTRE D ORANGE BRIX CIF ROTTERDAM

Un début de rebond  des indicateurs de santé  du marché

Le marché a réagi positivement à cette projection. Le prix spot de la caisse d’oranges affichait 7.80 BRL mi-octobre, en progression de près de 2 BRL par rapport à début 2013 selon le CEPEA. Le marché physique du jus concentré a lui aussi rebondi. Les cours, qui avaient perdu 600 USD par tonne en un an, depuis l’annonce au printemps 2012 d’une nouvelle campagne chargée au Brésil, ont commencé à rebondir. Ils affichaient 2 375 USD/t FOB Rotterdam selon Foodnews fin juillet, après s’être raffermis de 200 USD depuis le printemps. Pourquoi le rebond ne s’est-il pas poursuivi par la suite et n’a-t-il pas été aussi marqué qu’à l’ouverture de la campagne 2010-11, où un cumul de production tout aussi faible avait été annoncé ? La réponse est bien sûr dans les stocks brésiliens, qui n’ont jamais été aussi lourds.

ORANGE FLORIDE ET BRESIL RECOLTE 2013 2014
ORANGE FLORIDE ET BRESIL RECOLTE 2013 2014

Le greening plus prégnant  que jamais au Brésil

La baisse de la production brésilienne qui devrait intervenir en 2013-14 n’est pas seulement due au manque de pluies et à des vergers inévitablement stressés après deux années de forte production. Elle est aussi révélatrice des problèmes structurels dont continue de souffrir la filière brésilienne, avec une acuité qui ne semble jamais avoir été aussi forte. D’une part, la situation sanitaire du verger reste très mauvaise. L’écot prélevé par la plus emblématique des nombreuses pathologies dont souffre la citriculture brésilienne, à savoir le greening, est chaque année plus lourd. Selon le CDA, cette bactériose incurable et létale a coûté 30 millions d’arbres au verger brésilien depuis son apparition en 2004, dont 7.5 millions pour la seule année 2012, soit environ 3 %. Et l’addition promet de s’alourdir encore en 2013, puisque 3.7 millions d’orangers ont déjà été arrachés durant le seul premier semestre.

ORANGE FLORIDE ET BRESIL SAO PAULO
ORANGE FLORIDE ET BRESIL SAO PAULO

Etranglés économiquement,  de nombreux petits et moyens producteurs jettent l’éponge

La situation économique des petits et moyens producteurs, sur lesquels continue de reposer une large part de l’approvisionnement, est aussi de plus en plus préoccupante. Le prix de la caisse d’oranges payé par l’industrie hors contrat a oscillé entre 2.80 et 3.20 USD pendant toute la saison 2012-13, alors que le coût de production est estimé entre 3.70 et 5.50 USD (4.40 USD selon Consecitrus, organisme représentatif de la filière). Parallèlement, les coûts de production ne cessent d’enfler. La forte hausse du prix de la main d’oeuvre dans ce mondial de renchérissement de l’énergie et des intrants agricoles. Ainsi, le nombre de producteurs abandonnant l’orange, au profit de cultures plus rémunératrices comme le soja ou la canne à sucre, a pris des proportions jamais vues la saison dernière. Selon l’IBGE, l’orangeraie brésilienne aurait perdu 60 000 ha entre 2011-12 et 2012-13, soit 7.5 % de son extension totale. Cette vague massive d’arrachages est intervenue alors que l’Etat brésilien avait décidé de soutenir le secteur en débloquant une enveloppe de 65 millions USD. Les industriels payant entre 11 et 12 BRL la caisse d’oranges pouvaient bénéficier d’une subvention au stockage les aidant à se prémunir contre les baisses du marché.

Mais, face à la montée des coûts de revient et des problèmes sanitaires, beaucoup de producteurs n’y croient plus, d’autant que le secteur de la transformation est, quant à lui, de plus en plus puissant grâce aux opérations de concentration et d’intégration verticale réalisées ces dernières années. Depuis 2010 et la fusion Citrosuco/Citrovita, l’industrie brésilienne ne compte plus quatre poids-lourds, mais trois géants qui intègrent une part croissante de production propre. Selon le président de CitrusBR, 40 % de l’approvisionnement de ces groupes serait constitué de production propre, contre une dizaine de pour cent il y a trente ans. Les syndicats de producteurs dénoncent des rapports de force de plus en plus déséquilibrés et une répartition de plus en plus inégale de la valeur ajoutée. Le principal d’entre eux, Associtrus, a d’ailleurs porté l’affaire devant les autorités fédérales pour obtenir un rééquilibrage de l’Etat, en pointant du doigt que la hausse de 180 % des cours du jus concentré intervenue ces huit à dix dernières années s’était traduite par une baisse des prix d’achat de la matière première. 

Difficile dans ce contexte d’imaginer voir les surfaces rebondir, notamment dans la région de Sao Paulo. En revanche, le verger tend à se développer de l’autre côté des frontières de l’état, dans le « Triangulo Mineiro » situé à la pointe occidentale du département voisin de Minas Gerais. La pression sanitaire y est moindre et le prix de la terre bien moins élevé. Les surfaces y ont progressé de 7 % en 2012 et de près de 30 % depuis 2008. Pourtant, ces surfaces semblent bien insuffisantes pour compenser le déclin de la région de Sao Paulo.

ORANGE SAO PAULO SURFACES PLANTEES
ORANGE SAO PAULO SURFACES PLANTEES

Des résultats économiques satisfaisants en Floride,  mais un contexte  toujours aussi lourd

Ce n’est pas non plus du côté de la Floride qu’on pourra trouver des volumes d’oranges à transformer en progression dans les prochaines années. Certes, les résultats économiques ont été convaincants ces dernières campagnes, grâce à un positionnement sur un marché du NFC moins atone et plus rémunérateur que celui du concentré. Depuis 2006-07, le prix de la caisse culture départ verger est remonté à un niveau rémunérateur compris entre 6 et 10 USD (environ 8 USD ces dernières campagnes). Cependant, la plupart des investisseurs restent frileux, vu les difficultés auxquelles la filière est confrontée et qui tendent d’ailleurs à se multiplier. Le black spot s’est rajouté en 2010 à la liste des problèmes sanitaires, qui comptait déjà de longue date le chancre citrique et la tristeza et, depuis 2005, le très sévère greening. La lutte contre cette dernière maladie et la flambée des prix de l’énergie ont largement renchéri les coûts de production, sans parler du développement urbain dans cette région prisée et du manque de main d’oeuvre agricole.

ORANGE FLORIDE SCENARIOS D EVOLUTION DE LA PRODUCTION
ORANGE FLORIDE SCENARIOS D EVOLUTION DE LA PRODUCTION

La baisse des surfaces en culture se poursuit

Avec tant d’incertitudes sur le long terme, la poursuite du mouvement de déclin du verger n’est pas une surprise. Certes, le taux de mortalité des arbres reste stable et plutôt faible, tout au moins pour le moment. Il demeure néanmoins deux fois supérieur au taux de renouvellement du verger. En prenant comme hypothèse la prolongation de cette tendance dans les années à venir, le FDOC prévoit une poursuite du mouvement d’érosion de la production et une récolte à peine supérieure à 120 millions de caisses culture à l’horizon 2020, soit environ 10 millions de colis de moins qu’à présent. Mais d’autres problèmes viennent se surimposer à la réduction du nombre d’arbres productifs. Faute de renouvellement, le verger vieillit et les rendements déclinent : ils sont passés de 350 caisses par acre avant les ouragans du milieu des années 2000 à 260-290 caisses par acre ces dernières saisons. Enfin, faut-il voir un problème ponctuel et conjoncturel dans les très importantes et très anormales chutes de fruits survenues en 2012-13 ou, au contraire, le signe d’un très fort stress des arbres en raison des problèmes sanitaires et notamment du greening ? La campagne à venir permettra sûrement d’apporter des réponses.

JUS D ORANGE CONSO
JUS D ORANGE CONSO

Un boom attendu de la production de jus concentré chinois

Si la Floride et le Brésil tendent plutôt à reculer, la Chine avance à grands pas. L’explosion de sa production d’agrumes, passée de moins de 12 millions de tonnes à plus de 26.5 millions de tonnes entre 2000 et 2010, risque-t-elle de bouleverser les équilibres du marché mondial du jus concentré ? Une étude, récemment publiée par l’Université de Floride, apporte d’intéressants éléments de réflexion et permet d’entrevoir si l’Empire du Milieu est plutôt à considérer comme un marché potentiel ou comme un concurrent à moyen terme. Le niveau attendu des récoltes dans les années à venir a de quoi inquiéter, si l’on en croit les projections : le boom de production ne semble pas près de s’arrêter puisque, vu les surfaces plantées, la Chine pourrait être en mesure de produire plus de 40 millions de tonnes d’agrumes d’ici 2015, dont plus de 10 millions de tonnes d’orange (contre moins de 7 millions aujourd’hui). La production d’orange à jus, dont le développement figure parmi les principaux attendus du 2e plan stratégique agrumes lancé en 2008, devrait exploser elle aussi et passer de son niveau actuel de 2 millions de tonnes à 4 millions en 2015 et 7 millions en 2020. Dans le cadre de ce programme, une « juice orange citrus belt » a été mise en place et continue de se développer sur les haute et moyenne vallées du fleuve Yangtze, notamment dans les provinces du Shaanxi, Sichuan et Gansu. Autre motif concordant d’inquiétude : la capacité de transformation devrait elle aussi fortement s’accroître et passer de 1.2 million de tonnes en 2010 à 1.5 million de tonnes en 2015. Si l’accroissement de la production chinoise de jus d’orange ne fait aucun doute, cette origine sera-t-elle en mesure de concurrencer, voire de laminer comme cela s’est déjà vu dans d’autres secteurs, les industries des autres pays producteurs ?

Pour les rédacteurs de l’étude publiée par l’Université de Floride, la réponse est non, au moins à moyen terme. Même si le jus d’orange reste encore majoritairement un ingrédient entrant dans la composition de boissons à faible teneur en jus, la croissance annuelle des volumes écoulés localement a été de plus de 20 % ces dix dernières années. La marge de progression est extrêmement forte vu la consommation de l’ordre d’un tiers de litre par habitant aujourd’hui. Ainsi, c’est le marché chinois qui devrait absorber l’essentiel de cette production additionnelle, les projections de consommation tablant sur un niveau d’environ un litre par habitant d’ici 2015. Le manque de compétitivité du jus concentré chinois est un autre facteur renforçant l’hypothèse d’une faible présence de cette origine sur le marché international à moyen terme. Une période d’usinage raccourcie à quatre mois en raison de l’étroitesse de la fenêtre de production, le prix élevé de l’énergie et le manque d’organisation du secteur font que le coût de production est aujourd’hui élevé et supérieur d’environ 10 % à ceux pratiqués sur le marché international. Pour preuve, les usines chinoises ne tournent pas à pleine capacité et la consommation est assurée à 75 % par l’importation.

ORANGE CHINE PRODUCTION
ORANGE CHINE PRODUCTION

Une demande mondiale  aussi malade que les vergers de Floride et du Brésil

La tendance à la baisse des volumes disponibles sur le marché international semble plutôt claire. Malheureusement, il paraît tout aussi nettement que la demande suit la même orientation. Si l’on en croit les statistiques de Markestraat, la consommation cumulée des 40 premiers marchés mondiaux (exprimée en équivalent jus concentré) aurait reculé de 2.4 à 2.1 millions de tonnes entre 2003 et 2012, soit une baisse d’un peu plus de 12 %. Ce mouvement, à mettre au passif de l’érosion des volumes absorbés dans l’UE-27 et surtout de la franche baisse des ventes aux Etats-Unis (en recul de près de 27 % sur la même période !) est-il en passe de s’atténuer ? C’est ce que peut laisser penser la période 2008-2011 où l’ampleur de la baisse a semblé moins prononcée, avant que la « crise du Carbendazim », fongicide découvert dans du jus brésilien à des doses sans effet sur la santé, ne vienne semer le trouble dans l’esprit des consommateurs en 2012. Les chiffres de 2013 permettront d’y voir plus clair. L’accélération de la croissance des marchés émergents (Amérique du Sud en particulier) semble être un autre indicateur positif.

La confrontation de la courbe de la consommation mondiale et de celle, très irrégulière, de la production de jus concentré des deux principaux acteurs montre que les deux phénomènes semblent assez parallèles. Que conclure en ce qui concerne les prix dans ce contexte ? C’est peut-être de Coca Cola que vient la réponse à cette délicate question. Pour sécuriser l’approvisionnement de ses marques Minute Maid et Simply, la multinationale, leader mondial des ventes de jus, a annoncé la signature d’un programme d’approvisionnement pour les 20 années à venir avec Cutrale et Peace River Citrus, qui devrait conduire à la plantation de 10 000 ha d’orangeraies en Floride. Un sourcing stratégique à 2 millions USD qui plaide bien plus que toutes les statistiques de la terre pour une tension du marché international dans les années qui viennent.

JUS D ORANGE CONSO EQUIVALENT JUS CONCENTRE
JUS D ORANGE CONSO EQUIVALENT JUS CONCENTRE
JUS D ORANGE OFFRE FLORIDE + BRESIL ET DDE MONDIALE
JUS D ORANGE OFFRE FLORIDE + BRESIL ET DDE MONDIALE

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