Raisin de table de contre-saison

  • Publié le 29/01/2014 - Elaboré par BENOIT-CELEYRETTE Cécilia
  • FruiTrop n°218 , Page 71 à 75
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Un équilibre à trouver

Les dernières campagnes de raisin de contre-saison semblent confirmer le difficile ajustement entre offre et demande sur le marché européen. La crise économique a, en effet, renforcé la concurrence sur le début de saison (octobre à décembre), en dépit d’une gamme diversifiée (apyrènes) qui se démarque des productions locales. Par contre, l’approvisionnement est ensuite assez fluctuant, voire parfois tendu en saison, selon les évolutions en production et la demande mondiale.

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Une campagne 2012-13 très contrastée en Europe

La campagne 2012-13 illustre assez bien les fluctuations de ces dernières saisons, d’autant qu’elle a été marquée par des conditions climatiques et économiques qui ont à la fois différé la récolte et réduit le potentiel exportable de plusieurs pays. Le potentiel en production était pourtant au départ d’un bon niveau pour les principaux pays de l’hémisphère Sud, atteignant un total de 2.56 millions de tonnes, soit + 3 % par rapport à la saison précédente. Mais la campagne a été tardive. En Afrique du Sud, les premiers volumes du Transvaal puis de Namibie ont été expédiés à partir des semaines 44 et 45, mais la campagne n’a réellement démarré qu’en semaine 50 avec les tout premiers envois de  l’Orange River. De même, le début de saison a été tardif au Chili. Les premiers conteneurs n’ont été envoyés vers les Etats-Unis et l’Asie qu’en semaine 50. Le marché européen était, lui, peu porteur avec encore de bons volumes en Italie et en Espagne.

La campagne a donc été lancée dans des conditions peu favorables, après les fêtes de fin d’année, et s’est avérée très chaotique dans de nombreux pays de l’hémisphère Sud en début d’année. En effet, de fortes pluies se sont abattues sur l’Afrique du Sud et ont entraîné la perte d’au moins 5 millions de cartons, notamment dans l’Orange River, et le tremblement de terre à Copiapo au Chili a stoppé la production dans de nombreuses stations de cette zone. Mais l’activité a également été très perturbée par les grèves tant en Argentine, où elles sont récurrentes ces dernières années, qu’en Afrique du Sud, et se sont soldées par des hausses de salaire de respectivement 25 % et 10 %.

Les cours sont donc restés très fermes sur les marchés export, y compris en Europe, permettant au Pérou de terminer sa saison dans de très bonnes conditions. Février puis mars ont été relativement allégés, notamment en Europe, les premiers lots du Chili n’ayant fait leur apparition qu’en semaine 9. Les cours ont donc atteint des niveaux élevés (2.00 euros/kg, stade import) qui se sont maintenus jusqu’en semaine 14, d’autant que les exportateurs chiliens ont également dû faire face à la grève des dockers du port de San Antonio. Les cours du Thompson Seedless ont même atteint 2.60 euros/kg stade import en semaine 13, le développement des envois en provenance d’Inde, dont les cours ont également atteint des records (2.20 euros/kg, stade import), ne compensant pas le manque de raisins chiliens et la fin de campagne sud-africaine.

Raisin de table-Hémisphère Sud
Raisin de table-Hémisphère Sud

Des résultats variables selon les origines en début de saison

Même si, comme cela se confirme chaque année, la pénétration du marché européen est difficile en octobre, les origines de début de saison ont quand même pu maintenir leurs parts de marché en 2012-13 du fait du retard des autres pays de l’hémisphère Sud (Afrique du Sud et Chili). Ainsi, les importations européennes en provenance du Brésil se sont maintenues autour de 37 000 t, en dépit d’un début de saison très lent, tandis que les envois du Pérou ont encore progressé de 5 % (40 000 t).

L’Argentine a marqué un nouveau repli (seulement 11 700 t, soit - 14 % sur 2011-12) du fait de difficultés internes récurrentes (grèves). Cette origine perd davantage pied chaque année sur le marché international, même si les surfaces sont stables, voire même en légère hausse dans certaines zones comme Mendoza (8 500 ha). Les producteurs ont pourtant investi ces dernières années dans des variétés modernes comme Flame Seedless (3 000 ha). Mais la hausse des coûts de production (main d’oeuvre, emballage, transport, etc.) et les difficultés d’exportation que ce soit vers l’Europe ou le Brésil, qui absorbe normalement 30 % des quantités, ont entraîné un report vers l’industrie des volumes destinés à l’exportation.

De même, la production peine à se maintenir au Brésil (625 000 t en 2012-13, contre encore 761 000 t en 2008-09), les exportations étant étroitement dépendantes du marché européen (38 000 t sur 52 000 t exportées au total). Des volumes croissants sont donc reportés d’année en année sur le marché intérieur où la demande s’étoffe régulièrement.

Seul le Pérou, dont le portefeuille de clientèle est de plus en plus diversifié, tire réellement son épingle du jeu, avec même un nouveau record d’exportation sur la dernière campagne (153 900 t, + 16 % sur 2011-12). Il devrait encore s’affirmer dans les années à venir, alors qu’il n’exportait pas plus de 11 000 t en 2002-03. Les surfaces continuent, en effet, de progresser sur un rythme de 5 à 10 % par an (reconversion des plantations d’asperge) et atteignaient déjà 16 500 ha en 2011 pour un potentiel à terme d’au moins 20 000 ha. La production dépasse maintenant 300 000 t, soit environ deux fois plus qu’il y a dix ans !

 

Raisin de table-Hémisphère Sud-Exportations
Raisin de table-Hémisphère Sud-Exportations

Un arbitrage favorable aux pays émergents en cours de saison

Les tensions sont de plus en plus fortes en saison compte tenu de la demande internationale et des incertitudes en production, qui ont figé ces dernières années les plantations. Ainsi, depuis quelques années déjà, le développement des surfaces est suspendu au Chili et, si la variété Thompson Seedless représente toujours l’essentiel des volumes avec Flame Seedless, l’offre s’est plus significativement étoffée en Sugraone, Crimson Seedless et Red Globe pour les marchés asiatiques. Ainsi, les envois du Chili vers l’Europe ont baissé l’an dernier (138 000 t,  14 % sur 2011-12), alors que ses exportations globales se sont maintenues autour de 850 000 t.

Les exportations de l’Afrique du Sud vers le marché européen sont restées de même niveau, autour de 168 000 t (- 1 %), alors que les volumes exportés ont globalement baissé (235 000 t, - 5 %), sachant que le niveau d’exportation enregistré lors de la campagne précédente était particulièrement élevé. Cependant, le développement de la production est également ralenti dans ce pays face aux incertitudes (grèves, parité monétaire). Ainsi, en dépit de la politique gouvernementale du Black economic Empowerment pour stimuler la production des producteurs noirs, leur nombre a baissé de 5 % et ils n’étaient plus que 361 en 2012. Les surfaces sont cependant stables, voire ont encore progressé jusqu’en 2012-13 (16 000 ha), et la production devrait se maintenir et peut-être augmenter dans les années à venir, d’autant que la majorité des vignes (60 %) ont entre 4 et 15 ans. Le vignoble a, en effet, été sensiblement remanié ces dernières années, avec une baisse sensible des variétés à pépins au profit des apyrènes, qui représentent désormais plus de 70 % des surfaces plantées. Ainsi, Crimson Seedless (13 %), Thompson (11 %) et Prime Seedless (11 %), mais également Sugraone (10 %) et Flame Seedless (9 %) dominent l’offre. Certaines variétés à pépins comme Red Globe sont également plantées (10 %) pour satisfaire la demande asiatique.

 

Photo p74
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Une campagne 2013-14 encore tendue ?

La campagne 2013-14 pourrait être assez comparable à la précédente, avec déjà un début de saison assez difficile, mais un marché qui s’annonce ensuite plutôt allégé. En effet, elle a débuté dans des conditions assez similaires : un marché européen allégé en apyrènes et une fin précoce de la Turquie et de la Grèce. Mais le basculement de la demande vers les origines de contre-saison s’est fait assez lentement, compte tenu d’une offre encore conséquente de raisins à pépins d’Italie et d’Espagne à des niveaux de prix nettement plus attractifs (0.80-1.50 euro/kg, stade expédition) et d’une demande très ralentie sur fond de marasme économique. 

La pénétration du Brésil a donc été très laborieuse et pourrait se solder par un nouvel effritement des exportations, bien que le retard ou le déficit des autres origines de l’hémisphère Sud ait permis d’écouler les stocks accumulés en début de saison. La production argentine a été très discrète en ce début de saison, d’autant que les fortes gelées de septembre ont sensiblement réduit le potentiel de production (75 000 t, - 47 % sur 2012-13) et que les dernières négociations salariales en fin d’année 2013 ont abouti à une nouvelle revalorisation de l’ordre de 25 % du coût de la main d’oeuvre. Aussi, le potentiel d’exportation était au maximum estimé à 20 000 t, soit une nouvelle baisse d’au moins 13 %. En revanche, le Pérou devrait voir ses exportations progresser encore, avec un potentiel de production estimé à au moins 305 000 t (+ 2 %) pour un potentiel d’exportation de 170 000 à 180 000 t, compte tenu du déploiement de cette origine sur de nombreuses destinations.

Le marché était encore peu actif en début d’année du fait de la persistance des origines européennes, mais pourrait ensuite se décanter en raison d’une offre un peu allégée. En effet, les volumes en provenance d’Afrique du Sud étaient encore limités en début d’année, à cause du retard pris notamment dans l’Orange River où les conditions climatiques ont affecté les premières récoltes. La production pourrait donc baisser d’environ 3 % par rapport à 2012-13 et le potentiel d’exportation reculer d’environ 5 %. De même, la production chilienne pourrait cette année être plus réduite suite à la vague de froid de septembre, quand les températures sont descendues par endroit de - 4 à - 5°C, l’épisode le plus froid depuis 1929. Les prévisions tablaient, fin 2013, sur une réduction de 12 % (1.09 million de tonnes). L’Association ASOEX annonçait une baisse de 13 à 16 % des exportations, soit un potentiel d’environ 730 000 t. La campagne est, par ailleurs, un peu tardive. Les tout premiers volumes ont été expédiés vers les Etats-Unis en semaine 50.

Cécilia Céleyrette, consultante
c.celeyrette@infofruit.fr

     

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