La réduction sous toutes ses formes

  • Publié le 7/11/2018 - Elaboré par LOEILLET Denis
  • FruiTrop n°260 , Page 1 à 1
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Edito FruiTrop n°260

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Les indiens Jivaros en étaient de fervents adeptes. Ils avaient fait du raccourci (de tête) une règle guerrière, montrant ainsi leur toute puissance. Depuis, le concept a été étendu à tous les compartiments de la vie et jusqu’à l’exercice de la pensée. On doit raccourcir les temps de déplacement, les temps de téléchargement, le temps de travail, etc. On doit aussi raccourcir les débats contradictoires, ne pas lasser le peuple avec des exposés trop longs et trop complexes, réduire l’argumentation pour aller directement aux conclusions. Les idées doivent aller vite car, pour capter l’auditoire, la fenêtre de tir est de plus en plus serrée. Le zapping permanent empêche l’approfondissement. Notre secteur n’échappe évidemment pas à son temps, celui de l’éphémère. René Char constatait que « l’essentiel était sans cesse menacé par l’insignifiant ». Prenons l’exemple du bio. Il est certes suicidaire, médiatiquement parlant, de remettre en cause cette tendance de consommation. J’éviterai donc d’être convoqué devant les tribunaux de la pensée. Mais, tout de même, et cela pour le bien du marché du bio, ne serait-il pas honnête et constructif de parler du fond. L’étude qui vient tout juste de sortir sur le lien entre santé et alimentation bio est un sommet de demi-vérités, pour ne pas dire de demi-mensonges. Car si ses auteurs, par besoin de reconnaissance, et la presse, par paresse intellectuelle, laissent croire à un lien de causalité entre la consommation d’aliments bio et la réduction des cancers, ils passent sous silence la composition même du groupe étudié. En effet, comme l’a fait remarquer un twitto éclairé : « les consommateurs de bio (ndlr ceux-là mêmes qui ont été enquêtés) fument moins, mangent 40 calories de moins par jour, 5 g de fibres de plus, 17 g de viande rouge de moins, ont un IMC plus bas (- 1.5), boivent moins d’alcool, sont plus riches et plus éduqués. Pas très étonnant qu’ils aient moins de cancer ». Mince ! Corrélation n’est pas causalité ! Et rien n’est évalué toutes choses égales par ailleurs. Mais ce n’est pas bien grave, le peuple a retenu ce qu’on a bien voulu lui dire : du bio, seulement du bio, rien que du bio. Jusqu’au risque de voir ce même peuple se détourner des fruits et légumes quand il ne peut pas acheter bio. Un effet rebond particulièrement dévastateur en termes de santé publique. Mais revenons à nos Jivaros : ils réduisaient les têtes de leurs ennemis afin d’enfermer l’esprit du défunt à l’intérieur et donc de se prémunir de sa vengeance, mais aussi de s’approprier sa force et ses qualités. Un peu comme nous autres, les post-modernes, pratiquant en routine la réduction de notre intellect.

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