Marché bananier européen: Prix de détail

  • Publié le 29/01/2014 - Elaboré par LOEILLET Denis
  • FruiTrop n°218 , Page 52 à 58
  • Gratuit

Charité bien ordonnée commence par soi-même

La distribution européenne a joué sa propre partition cette année. Alors que le prix vert est en légère baisse quasiment partout en Europe, les prix de détail ont évolué positivement. De passager clandestin (comme en Allemagne en 2012), la distribution européenne est passée en 2013 au statut de VIP.

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Si l’année bananière 2013 fut normale côté prix vert, elle fut particulièrement faste côté distribution. En effet, nous avions pointé du doigt qu’en 2012, la distribution allemande jouait au passager clandestin. Elle avait suivi et même largement exagéré la poussée inflationniste du prix vert en faisant valser les étiquettes, reconstituant les marges et venant compenser (c’est le discours officiel) la hausse continuelle des prix de l’énergie et de la main d’oeuvre. En 2013, rebelote. Les prix de détail allemands ont gagné 0.73 euro/carton dans la distribution traditionnelle et 1.45 euro/carton dans le hard discount. C’est, pour ce dernier, la même augmentation qu’en 2012. En l’espace de deux ans, le carton a gagné près de 3 euros, soit une flambée de 15 %. Ce n’est pas dans le secteur bananier qu’il faudra s’inquiéter d’un taux d’inflation atone, signe d’une économie en difficulté. Ici c’est plutôt la surchauffe. Encore que, les consommateurs ne raisonnent pas au carton mais bien au kilo et passer de 1.04 à 1.20 euro/kg ne change pas fondamentalement leur perception du produit, alors que les autres fruits (comme la pomme) ont subi des hausses au moins aussi fortes. En effet, l’office de statistique allemand note que, pour la pomme, l’indice des prix a augmenté de 15 % en 2013 par rapport à 2012 et de 20 % par rapport à 2011. Même tendance pour les agrumes qui flambent de 15 % depuis 2011 et de 9 % entre 2012 et 2013. Le rayon fruits et légumes fait mieux que l’indice des prix alimentaires qui lui ne glisse que de 4 % sur un an et de 8 % sur deux ans.

 

Banane EU Prix import et détail
Banane EU Prix import et détail

Carton plein pour la distribution

En chiffre d’affaires, la somme additionnelle est coquète pour les distributeurs allemands. A raison d’environ 900 000 tonnes par an de consommation et d’environ 2.5 euros par carton gagnés en deux ans (moyenne entre distribution traditionnelle et hard discount), ce sont plus de 40 millions d’euros de plus-values qui sont tombés dans l’escarcelle des enseignes de détail. Si la bonne tendance se confirme côté consommation, ce sera un carton plein avec un prix d’achat (vert) en baisse, un prix de vente (détail) en hausse et des volumes en croissance. Qui dit mieux ?

Mais qu’on ne se trompe pas. A la différence de 2012, c’est bien l’ensemble de la grande distribution européenne qui a profité de la baisse des cours au stade vert pour augmenter ses prix. Dans des proportions parfois démesurées, à l’image de l’Espagne qui, pour sa banane canarienne, passe la barre des 2 euros/kg en moyenne annuelle, soit un gain de 4.35 euros/carton ! Ici la grande distribution n’a fait que répercuter, en proportion (+ 12 %), l’augmentation du prix vert (référence SuperExtra). C’est d’ailleurs le seul prix vert en Europe qui a augmenté. Une nouvelle fois, l’Espagne va à contrecourant de l’ensemble du marché européen et fait un peu plus que rattraper l’horrible année 2012 qui avait vu le prix vert canarien baisser de 17 %.

La distribution française a aussi joué la hausse. Le kilo de banane a pris de 2 à 5 % selon les catégories, alors même que le prix vert a baissé de 2 %. Même tendance pour la République tchèque qui a augmenté ses prix à la consommation de 2 %. A l’opposé, la distribution au Royaume-Uni et en Italie semble avoir été adepte de la symétrie : quand le prix vert stagne ou baisse, le prix de détail stagne ou baisse. Pour l’Italie, on peut aussi penser que la concurrence, exacerbée par l’arrivée d’un nouvel et grand opérateur sur ce marché, a poussé un peu plus le prix vert à la baisse.

Banana France-Prix hebdomadaire
Banana France-Prix hebdomadaire

La France à la loupe

Analysons maintenant, de manière plus précise, le comportement du marché français pour lequel nous disposons d’une vaste batterie d’indicateurs. L’année 2013 n’est pas très différente des précédentes. De grands principes sont ancrés dans les us et coutumes du secteur. Par exemple, le prix au stade détail est plus résilient que le prix vert (import) ou le prix de gros (sortie mûrisserie). On peut même dire, d’après nos calculs, que le prix de détail est deux fois plus stable que le prix vert. Ce dernier varie de +/- 9 à 11 % en moyenne (chiffres 2012 et 2013), alors que le prix de détail n’évolue que de +/- 5 à 6 %. Le prix de gros varie lui aussi moins que le prix vert, mais plus que le prix de détail : de l’ordre de +/- 6 à 8 %. C’est un maillon commercial et industriel intermédiaire qui, en quelque sorte, amortit les effets des fluctuations du marché mondial.

En période de fortes turbulences (semaines 41 à 45, cf. article précédent), alors que le prix vert a dévissé de plus de 15 % par rapport à la moyenne annuelle, le prix de détail a baissé de 5 à 6 % en moyenne. Une autre caractéristique est l’absolue déconnection entre le prix détail et les prix vert et de gros sur la période estivale. On est même, comme en 2013, dans un effet miroir. Lorsque le prix vert baisse, le prix de détail augmente. Et d’ailleurs, même si elles sont concomitantes, les deux séries n’ont aucun rapport entre elles car c’est l’effet « basse saison » qui joue pour la banane. On marge fort sur les produits qui n’attirent pas le chaland, en sachant que, si ventes il y a, le prix importera peu.

Reste la première partie de l’année, les deux (rarement trois) premiers bimestres. A cette période, il y a une plus grande convergence entre le prix vert et le prix de détail. Ce dernier déborde de sa moyenne annuelle dans des proportions qui sont moins importantes que celles du prix vert. Durant le premier bimestre 2013 par exemple, le prix vert a été supérieur de 13 % à la moyenne annuelle, alors que le prix de détail se situait à seulement 2 % de sa valeur moyenne annuelle. Nous sommes ici en période de très forte demande en banane de la part des consommateurs et l’argument prix est important pour les enseignes afin d’attirer le plus d’acheteurs possible, qui n’achèteront évidemment pas que des bananes ! On retrouve l’ensemble de ces fondamentaux en 2012 avec quelques spécificités. Par exemple, alors que le prix vert stagnait en fin d’année 2012 (5 % en deçà de sa moyenne), le prix de détail flambait de plus de 5 %. Enfin, les écarts de prix variaient de 0.8 à 1.0 euro/kilo entre le stade détail et le stade vert, de 0.5 à 0.8 euro/kg entre le stade détail et le stade de gros et de 0.2 à 0.4 euro/kg entre le stade de gros et le stade vert n

Denis Loeillet, CIRAD
denis.loeillet@cirad.fr

Photo p58
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